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Anomalies de 2024 et inconnues de 2025 : avis de grand vent sur l’économie européenne

L’année 2024 aura été marquée par une série d’anomalies sur le plan de l’économie. La première tient à l’absence de retour de la confiance, alors que la reprise est là. Que l’on regarde les indices de confiance pour les ménages, les entreprises ou les investisseurs, la plupart sont inférieurs à leur moyenne, parfois significativement. La confiance s’est même à nouveau détériorée depuis le printemps, après une courte embellie.
Pourtant, l’économie se porte mieux. L’inflation continue de refluer et son retour à l’objectif est proche. Le niveau d’emploi n’a jamais été aussi élevé ; les salaires ont sensiblement augmenté et le pouvoir d’achat progresse à nouveau. Quant au PIB, il a enfin retrouvé le chemin de la croissance. Ses perspectives ne sont pas mauvaises. La majorité des économistes s’accordent à dire que le PIB augmentera encore l’année prochaine, et plus qu’en 2024. Pourquoi la confiance reste-t-elle donc mauvaise ?
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Des facteurs positifs occultés
Des facteurs économiques pèsent certainement toujours : la reprise est encore fragile ; les politiques monétaires et fiscales sont restrictives à l’échelle de la zone euro; la progression des salaires est plus rapide que la productivité, ce qui grève les marges des entreprises. Et si l’inflation a effectivement reflué, les ménages ne le perçoivent pas encore vraiment. Le niveau des prix reste élevé, notamment pour le logement, l’alimentation et les énergies domestiques, qui constituent des postes importants de consommation pour les ménages aux revenus modestes.
Mais les sondages actuellement menés un peu partout en Europe suggèrent aussi que des raisons qui sortent du champ de l’économie pèsent sur la confiance. Les entreprises, les PME en particulier, se plaignent de la charge administrative plus que de la concurrence chinoise. Les ménages évoquent des peurs identitaires. Ils n’ont que peu d’espoir que leurs politiques résolvent les problèmes actuels, qu’ils soient d’ordre géopolitique ou de coût de la vie. Vu les motifs évoqués, il n’est pas certain que la croissance suffise à faire revenir la confiance. La causalité pourrait même s’inverser : la faible confiance pourrait enrayer la reprise, par exemple si les ménages continuaient à épargner malgré la baisse des taux d’intérêt.
Une deuxième anomalie économique de 2024 tient à la coexistence d’un écart de production négatif et d’un écart de chômage positif. Certes, le PIB a certes retrouvé le chemin de la croissance. Mais cette croissance est encore faible. La Commission et le FMI estiment que le PIB sera l’année prochaine encore de 0,4 point en dessous de son potentiel. Parallèlement, le taux de chômage est à son niveau le plus bas depuis des décennies. Il était de 6,3% en septembre en zone euro, alors que le taux de chômage d’équilibre, c’est-à-dire non inflationniste, est estimé autour de 7%.
Les pressions à la hausse sur les salaires sont évidentes, ce qui renforce la conviction d’un écart positif de chômage. Normalement, les écarts de chômage et de production évoluent dans la même direction (voir graphique). Comment donc expliquer l’anomalie actuelle ? Beaucoup évoquent le fait que les entreprises ont accumulé de la main-d’œuvre en prévision du vieillissement et pour compenser les défections plus nombreuses depuis la pandémie. C’est possible, mais cette stratégie a un coût pour les entreprises, et sans retour d’une croissance suffisante, il n’est pas impossible que marché du travail se détériore. Son rééquilibrage sera certainement un point à suivre l’année prochaine.
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Attentes consensuelles
Au-delà, les attentes pour 2025 sont consensuelles. La croissance devrait se raffermir, toujours tirée par la progression des revenus réels, mais cette fois-ci moins freinée par le niveau des taux d’intérêt appliqués par les banques centrales. Le PIB de la zone euro pourrait ainsi progresser de 1,2% l’année prochaine, contre 0,8% cette année. Cela dit, de multiples pivots politiques, dont trois se prendront en début d’année, rendent ces perspectives très largement incertaines.
On ne sait toujours pas si les tensions géopolitiques en Ukraine et au Moyen-Orient s’apaiseront. Au-delà des mots, souvent contradictoires, la question des actions de la nouvelle administration américaine reste ouverte. A quel degré les mesures commerciales, migratoires et fiscales évoquées par Donald Trump lors de sa campagne seront-elles appliquées ? Et quand ? Que sera la réaction des partenaires commerciaux ? Au même moment, l’Union européenne adopte une nouvelle gouvernance : une nouvelle Commission, une nouvelle présidence tournante de l’UE et un nouveau président du Conseil. Jusqu’où l’Europe voudra-t-elle appliquer les mesures préconisées dans les rapports Noyer, Letta et Draghi en matière de défense, de marché unique et d’union des marchés de capitaux ?
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Elections allemandes
Enfin, que fera vraiment l’Allemagne ? Les sondages ne laissent en effet guère de place au doute quant à l’identité du prochain chancelier. Le programme fondamental publié par son parti cette année est pro-européen, favorable à la déréglementation, à des dépenses militaires plus importantes et à l’utilisation de l'énergie nucléaire. La CDU entretient traditionnellement des liens étroits avec les États-Unis : Friedrich Merz a même présidé le «Pont Atlantique» pendant dix ans. Mais à quel point souhaitera-t-il assouplir le frein constitutionnel à l’endettement ? Et avec qui gouvernera-t-il ?
Entre la possible correction des anomalies économiques de 2024 et les inconnues politiques de 2025, on peut être certain que l’économie et les marchés seront sujets à grande volatilité l’année prochaine.
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