Un règlement européen ouvre les fonds alternatifs aux investisseurs de détail

Le Parlement européen a adopté une révision majeure du règlement ELTIF, qui entérine la possibilité de commercialiser des fonds de private equity, private debt et real assets auprès d’investisseurs de détail. Une tribune de Gilles Saint Marc, avocat associé et Tristan Bonneau, avocat, Kramer Levin LLP.
Gilles Saint Marc et Tristan Bonneau, Kramer Levin LLP
Gilles Saint Marc et Tristan Bonneau, Kramer Levin LLP
Une tribune de Gilles Saint Marc, avocat associé et Tristan Bonneau, avocat, Kramer Levin LLP.  -  DR

Le faible nombre de fonds agréés au titre du règlement ELTIF (European long term investment fund) du 29 avril 2015 a convaincu les institutions européennes d’assouplir significativement les conditions d’obtention de l’agrément ELTIF des fonds d’investissement alternatifs (FIA), avec pour objectif la réorientation de l’épargne vers les projets d’infrastructure et le financement en dette ou en capital des sociétés non cotées ou cotées à faible capitalisation.

Le Règlement «ELTIF 2.0», dont l’entrée en vigueur interviendra neuf mois après sa publication au journal officiel attendue courant mars, entérine l’ouverture des fonds de private equity, private debt et real assets aux investisseurs de détail, dans un contexte difficile en termes de levées de fonds auprès des investisseurs institutionnels.

Suppression du ticket minimum

L’avancée principale réside en effet dans la suppression du ticket minimum de 10.000 euros pour les investisseurs de détail : un client non-professionnel pourra ainsi investir dans un fonds agréé ELTIF sans montant minimum d’investissement. Cette modification ouvre la voie à la retailisation complète des FIA, d’autant plus qu’elle s’accompagne de la suppression d’autres contraintes qui se sont avérées ingérables en pratique (obligation de mise en place de facilités de souscription, nécessité de fournir un conseil en investissement à l’investisseur de détail, interdiction pour ce dernier d’investir dans des fonds ELTIF plus de 10% d’un portefeuille d’investissement inférieur à 500.000 euros).

L’élargissement des possibilités de retailisation est d’autant plus intéressante pour les gestionnaires d’actif qu’elle s’accompagne d’un allègement significatif des conditions d’obtention de l’agrément ELTIF, qui ne nécessitera désormais plus un bouleversement des stratégies d’investissement déployées :

1. L’élargissement des actifs éligibles : les fonds agréés ELTIF pourront désormais investir dans des sociétés cotées dont la capitalisation n’excède pas 1,5 milliard d’euros (contre 500 millions d’euros jusqu’à présent), dans des entreprises financières créées ou agréées depuis moins de cinq ans au moment de l’investissement (et donc notamment dans les fintechs), mais aussi dans les titrisations «simples, transparentes et standardisées» (STS) au sens du Règlement Titrisation (EU) 2017/2402 et dans les obligations vertes au sens de la future réglementation européenne (European Green Bond Standard). La révision n’affecte pas la possibilité pour les fonds de dette agréés ELTIF d’octroyer des prêts en direct dans les 27 Etats membres de l’Union nonobstant les dispositions locales relatives au monopole bancaire.

2. L’élargissement des possibilités de structuration : la révision introduit la possibilité de structurer un fonds agréés ELTIF sous forme de structure maître-nourricier ou de fonds de fonds, et autorise également les fonds agréés ELTIF à investir dans des FIA non-agréés ELTIF (s’il sont investis en actifs éligibles au sens du Règlement ELTIF), offrant ainsi aux gestionnaire des options de structuration bienvenues jusque-là incompatibles avec l’obtention de l’agrément.

3. L’assouplissement des règles de diversification : le seuil minimum d’actifs éligibles au sens du Règlement ELTIF est abaissé de 70% à 55%, permettant ainsi aux fonds agréés ELTIF d’investir plus largement dans les titres cotés, les instruments du marché monétaire et les liquidités. Le montant maximum des investissements dans une même entité ou un même actif est réhaussé de 10 à 20 %, ce ratio de diversifications n’étant pas applicable aux fonds ELTIF commercialisés uniquement auprès de clients professionnels. Le ticket minimum de 10 millions d’euros pour les actifs physiques est également supprimé, élargissant les stratégies possibles en termes d’actifs tangibles (biens industriels, navires, aéronefs, matériels roulants, etc.).

4. L’assouplissement du recours à l’effet de levier : l’endettement maximum autorisé est relevé à 50% de l’actif net, voire même 100% pour les fonds ELTIF commercialisés uniquement auprès de clients professionnels, contre 30% du des engagements de souscription à l’heure actuelle, ouvrant la voie au recours plus substantiel à l’effet de levier. La révision autorise de plus le recours à l’effet de levier pour financer les prêts octroyés en direct. Les equity bridge loans ne sont pas considérés comme constituant du levier.

5. La simplification des conditions de rachat : les modalités de traitement des demandes de rachat sont simplifiées afin de lever certains obstacles à la constitution de fonds ELTIF ouverts, point particulièrement sensible si l’ELTIF est distribué auprès d’investisseurs de détail. Les périodes de lock up pourront notamment être aménagées plus librement, et les investisseurs ne seront plus autorisés à demander la liquidation du fonds en cas de demandes de rachat non satisfaites pendant un an.

L’enjeu de cette révision est considérable puisqu’elle permettra la commercialisation aux investisseurs de détail, sans ticket minimum, des FPCI, FPS, SLP et OFS français sous réserve du respect de contraintes dont les gestionnaires devraient pouvoir raisonnablement s’accommoder sans bouleverser leurs stratégies d’investissement. Il devrait être renforcé sous peu par une révision du cadre réglementaire de l’assurance vie afin de rentre éligible les FIA agréés ELTIF aux supports en unités de compte sans ticket minimum.

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