
Quand les banques deviennent inclusives

Dans les quartiers défavorisés, le sport mène à tout... même aux métiers de la banque. « Il y a une résonance entre les convictions de LCL, qui valorise la personnalité et le potentiel, et les objectifs de l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels), soutient Juliette Penot, directrice du développement et de la formation de LCL. En tant que ‘banque urbaine’, nous sommes également en phase avec la logique d’insertion de publics issus de banlieues et de quartiers sensibles portés par l’agence. »
L’Apels repère en effet dans les territoires « oubliés » – fort peu prisés des recruteurs – de jeunes sportifs prêts à saisir l’une des opportunités professionnelles offertes par les entreprises engagées dans la démarche. Et les accompagne dans ce projet, formation à l’appui. Aiguillonné par le partenariat signé en 2016 entre l’Association française des banques (AFB) et l’Apels, le secteur bancaire représente plus de la moitié des recruteurs actuels, avec le Crédit Agricole, LCL, BNP Paribas, la Société Générale, La Banque Postale, le Crédit Mutuel-CIC, les Caisses d’Epargne et ING.
Depuis 2015, plus de 470 jeunes (dont 24 % de niveau infra-Bac, 56 % de niveau Bac et 24 % de niveau supérieur) ont emprunté cette voie d’accès à la banque qui, dans plus de neuf cas sur dix, a débouché sur un contrat de professionnalisation. Avec un taux de transformation en CDI ou CDD longue durée de 70 %.
Rien que chez LCL, ce dispositif a permis de recruter, via des promotions de 30 à 40 personnes, 194 contrats pro sur des postes de conseiller d’accueil et conseiller particulier, dont plus de 40 % ont abouti à un CDI. « Nous sommes dans les mêmes proportions que pour les alternants ‘classiques’. C’est la meilleure preuve que cela fonctionne, souligne Juliette Penot. Qu’ils soient boxeurs, judokas ou footballeurs, ces sportifs ont pour points communs l’engagement, la persévérance, le sens du challenge, le dépassement de soi... Ce sont ces traits de personnalité qui nous intéressent. Le reste est une affaire d’apprentissage technique. »
Les candidats retenus bénéficient d’une période de préparation à l’alternance de six semaines, délivrée par l’Apels. De quoi les acculturer à la vie en entreprise et les initier à la réalité du métier. « Une fois passée cette phase, ce sont des alternants comme les autres, auxquels nous portons, tout de même, une attention particulière », poursuit la directrice. Suivis par des managers volontaires expérimentés, ils peuvent aussi compter sur l’aide d’un référent sans rôle hiérarchique dans une autre agence. « Ces jeunes sont heureusement surpris de constater que l’univers bancaire n’est pas inaccessible, et tous prennent conscience qu’ils ont des qualités à faire valoir sur le marché de l’emploi. » Ce dont témoigne Jason Mvembo Lemena (lire ‘Témoignage’).
Pour les banques partenaires, il s’agit désormais d’un canal de recrutement comme un autre. L’entreprise à mission Each One propose de son côté une autre solution clé en main pour l’intégration de candidats aux parcours de vie peu ordinaires. Son constat est simple : « Il y a, en France, 1,2 million de personnes réfugiées et de nouveaux arrivants avec un titre de séjour, expose sa cofondatrice Fanny Prigent. Mais 61 % d’entre eux sont au chômage et sont toujours en situation de déclassement professionnel. En face, il y a quelque 300.000 postes non pourvus. Nous répondons donc à un enjeu majeur des entreprises, par ailleurs poussées à s’intéresser de plus en plus à la diversification des talents et à l’inclusion. »
Enrichir les équipes
L’équipe de Fabienne Lemarié, manager staffing programmes & inclusion au sein des ressources humaines de BNP Paribas, promeut et met en œuvre le dispositif Each One dans l’entreprise. La quatrième promotion vient de débuter avec une dizaine de personnes. « BNP Paribas participe à ce programme depuis 2018. Il nous permet d’identifier des candidats qualifiés, voire expérimentés, qui se distinguent par leur détermination, leur persévérance et leur résilience. Au-delà des compétences, nous nous attachons à la diversité des profils pour enrichir nos équipes », soutient-elle.
Les recrues potentielles sont présélectionnées par Each One sur la base de fiches de poste transmises par des managers volontaires. Une fois la candidature validée, elles suivent une préparation opérationnelle à l’emploi (POE) de 400 heures, conçue en partenariat avec l’ESBanque, avant de confirmer leur projet à l’issue d’une immersion d’une semaine. Elles entament ensuite un parcours en alternance compris entre un et deux ans, selon les postes visés : informatique, relation client, conformité, juridique... En amont, BNP Paribas anime avec Each One des sessions à destination des équipes accueillantes (managers, tuteurs et RH) pour les préparer à intégrer ces nouvelles recrues... sans les stigmatiser.
Houlimata Diaw ne tarit pas d’éloges sur le dispositif. Cette comptable de 32 ans, arrivée de Mauritanie en 2012 a occupé plusieurs emplois d’accueil et de relation clientèle, ce qui a fait naître en elle le désir de concilier sa compétence première et la relation humaine à travers un métier bancaire. Dans sa quête d’une formation ad hoc, elle a rencontré Each One et BNP Paribas. Elle suit, depuis mars dernier, une formation d’un an en alternance avec Icadémie au sein d’une agence francilienne de la banque. « Cela me plaît et je m’y sens à l’aise, dit-elle. Ce programme m’a permis d’aller de l’avant, tant sur le plan professionnel que personnel. »
Selon Each One, plus d’une cinquantaine de personnes ont été formées depuis 2018 dans le secteur bancaire. Neuf candidats sur dix en moyenne y ont été recrutés en alternance.
Plus d'articles du même thème
-
L’emploi américain, une bonne nouvelle dans une période troublée
Les chiffres du rapport mensuel sur le marché du travail ressortent plutôt bons pour le mois de mars. Le détail confirme encore une dynamique faible de l’économie américaine, sans prendre encore en compte les effets des licenciements déjà effectués dans le secteur public, ni ceux liés aux risques économiques résultant de la hausse des droits de douane. -
Comment négocier son salaire quand on travaille dans la finance ?
Quand réclamer une augmentation ? Avec quels arguments ? Vaut-il mieux changer régulièrement d’entreprise ? François Nouri, associé au sein du cabinet Boyden, livre ses conseils aux jeunes professionnels du secteur financier. -
Une grève suivie à la Société Générale accentue la pression sur Slawomir Krupa
L’intersyndicale a organisé une journée de mobilisation ce mardi 25 mars. Les premiers retours font état d’un taux de grévistes d'au moins 20% dans deux régions.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions