
Olivia Grégoire : « L’économie sociale et solidaire doit voir grand »

Le futur plan d’action européen pourrait renforcer l’accès des entreprises de l’ESS aux financements, explique Olivia Grégoire, secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.
Quelles seront les grandes lignes du plan d’action de la Commission européenne en matière d’économie sociale et solidaire (ESS) ?
Le commissaire à l’Emploi et aux Droits sociaux Nicolas Schmit est en train de finaliser ce plan d’action, attendu pour la fin de l’année, et il a bien sûr été à l’écoute des propositions françaises, la France étant un pionnier de cette économie sociale et solidaire. Le plan pourrait ainsi reprendre plusieurs de nos idées, je pense en particulier à la création d’une catégorie spécifique dans le régime général des exemptions (RGEC), facilitant l’accès de ces entreprises aux aides d’Etat. C’est un obstacle identifié depuis longtemps au développement de ces entreprises, notamment dans l’Hexagone. Le plan pourrait également proposer un renforcement de l’accès des entreprises de l’ESS aux marchés publics comme nous avons pu le faire en France avec l’article 15 du projet de loi Climat et résilience. Enfin, le FEI (Fonds européen d’investissement, NDLR) pourrait se doter d’un guichet dédié aux acteurs de l’ESS, avec des équipes spécialisées.
Harmonisation des définitions, label unique : peut-on envisager des initiatives dans ce sens ou la dynamique est-elle encore trop récente ?
L’harmonisation a un mérite, c’est celui de la simplicité, mais l’économie sociale en Europe renvoie à des réalités très différentes d’un pays à l’autre, en fonction de la pratique, de l’histoire, de la culture et du territoire de chacun. Reconnaître, en guise de préalable, l’item de lucrativité limitée et la spécificité des acteurs dans leur vision entrepreneuriale, ce serait déjà une étape forte avant de penser harmonisation et labellisation.
Vous avez parlé du projet de guichet unique auprès du FEI. Au-delà de la taille de ces entreprises, y a-t-il d’autres obstacles à leur financement et surtout à leur développement ?
Aujourd’hui, l’ESS n’a pas réellement un problème d’offre de financement, mais plutôt un problème de demande. L’ESS doit voir grand pour pouvoir prétendre à de grandes enveloppes de financement, raison pour laquelle je veux promouvoir le mécanisme du contrat à impact auprès de mes homologues européens, qui s’inspire des social bonds britanniques ou suédois. Des contrats à impact européens permettraient de créer des collaborations entre Etats membres, sur des problématiques environnementales et sociales qui nous concernent tous, par exemple l’économie circulaire ou la réinsertion professionnelle des détenus. Plutôt que de mener des actions à l’échelon national et de portée limitée, certaines associations, déjà actives dans plusieurs pays de l’Union européenne, doivent être mises en capacité de bâtir des contrats à impact à 100 millions d’euros, avec plusieurs acteurs et pourquoi pas un financement du FEI.
Comment le plan de relance français vise-t-il à contrebalancer les effets de la crise et à donner une impulsion supplémentaire à la filière ?
L’objectif de ce plan est de repartir de l’avant, mais pas « comme avant », si je puis faire ce parallèle. Solidarité, agriculture et alimentation, culture et tourisme, sport, numérique, recyclerie, écologie… les thématiques sont très diverses et témoignent de la richesse de l’ESS. Dès l’été 2020, nous sommes allés chercher des fonds et avons fait en sorte qu’ils soient fléchés rapidement pour financer les acteurs de la filière.
Ce plan consacre en direct 1,3 milliard d’euros à l’ESS, dont près de la moitié sont dédiés à l’insertion professionnelle des jeunes. A titre d’exemple, 100 millions ont déjà été décaissés pour aider les associations de lutte contre la pauvreté, finançant 33 projets nationaux et 66 projets régionaux et locaux. Un appel à projets vise à structurer la filière agroécologique, aussi bien sur le plan des pratiques agricoles que des méthodes d’emballage. Au-delà de ces 1,3 milliard, plusieurs actions sont logées au sein des budgets attribués à l’agriculture, à l’écologie, à l’insertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi, car l’économie sociale et solidaire est par nature interministérielle.
Les premiers résultats de la plateforme « impact.gouv.fr » ont été présentés au cours de l’été. Quel est l’objectif de ce projet ?
Parmi les missions qui m’ont été confiées figure la construction de passerelles entre la filière ESS et les entreprises traditionnelles. Des valeurs, des pratiques propres à l’ESS – en matière de gouvernance, de partage de la valeur – sont de plus en plus inspirantes pour le reste des acteurs économiques. Dès mon entrée en fonction voici un an, j’ai souhaité construire une espèce de centre d’entraînement de l’ESG, afin que les entreprises puissent s’informer sur les référentiels en vigueur, les bonnes pratiques ou encore les index d’égalité professionnelle, et de handicap dans quelques mois.
Il s’agit ensuite d’informer les entreprises sur l’entrée en vigueur prochaine de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive, NDLR), et sur l’importance d’anticiper ce changement. D’ici à trois ans environ, toutes les entreprises européennes de plus de 250 salariés seront soumises à une obligation de reporting extra-financier. Au total, 50.000 entreprises seront concernées contre 10.000 à l’heure actuelle. Cette initiative est inédite en Europe. Elle a été saluée à la fois par le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques, mais aussi par la présidente de la Commission européenne. Elle est regardée de très près par le Danemark, la Grèce ou encore l’Italie.
Cette plateforme est-elle appelée à évoluer ?
Cette plateforme essaie d’être agile et évolutive, à l’instar des entreprises. Dès septembre, elle sera donc enrichie de fonctions d’auto-diagnostic et de personnalisation de tableaux de bord pour améliorer l’accompagnement des entreprises et s’adapter aux attentes des 200 chefs d’entreprise que nous avons consultés.
Propos recueillis par Annick Masounave
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