
Miami, le Wall Street du Sud américain

Ce n’est pas une première. BNP Paribas a une longue histoire avec Miami, où BNP Paribas Wealth Management était déjà implanté avant de vendre son activité de banque privée à la banque espagnole Santander en 2014. Mais cette fois, c’est sa division de marchés de capitaux « Global Markets », basée à New York, qui va ouvrir un bureau d’ici à la fin de l’année dans la capitale économique de la Floride.
Des salles de marché à Miami ? « Le point de départ a été le fait que beaucoup de nos comptes institutionnels majeurs ont déménagé leur siège social ou une partie de leurs bureaux à Miami. Après la pandémie, la tendance s’est poursuivie », explique Luis Berlfein, managing director de Global Markets. Pour la banque française, c’est avant tout un choix stratégique. « Avec cette opportunité de mieux servir nos clients, nous réalisons nos ambitions de développer notre franchise de services bancaires aux entreprises et aux institutions dans les Amériques », indique José Placido, à la tête de CIB Americas.
BNP Paribas a annoncé avoir signé un bail de 7,5 ans au cœur du quartier financier de Brickell, avec un emménagement prévu au quatrième trimestre. A terme, l’espace de 7.700 mètres carrés accueillera une cinquantaine d’employés spécialisés dans les produits de crédit, actions et macro au 801 Brickell Avenue, avec pour voisins directs Mastercard, RBC Wealth Management ou encore la Securities and Exchange Commission (SEC), qui a son bureau régional dans le même immeuble.
Alors que le marché des bureaux dans les grandes villes américaines, comme New York ou San Francisco, a du mal à se remettre de la pandémie et du boom du télétravail, Miami reste très compétitive. « Vous devez agir très rapidement pour sécuriser l’espace que vous souhaitez, note Jeremy Vandel, responsable de l’immobilier pour BNP Americas. C’est l’un des marchés les plus compétitifs que nous ayons vus aux Etats-Unis. »
Fiscalité attractive
Avec cette nouvelle expansion, la banque rejoint la vague des financiers et des talents qui ont migré vers le sud de la Floride à l’aube de la pandémie. La destination a, en effet, le vent en poupe. L’Etat est devenu le troisième plus peuplé du pays, devant New York, et la première destination de migration. D’après le Bureau américain des statistiques du travail, la région de Miami connaît un taux de chômage au plancher, de 1,4 %, et a gagné 58.800 nouveaux emplois en 2022. C’est particulièrement vrai dans la finance, où le taux de création d’emplois atteint 4,9 %, contre 0,9 % dans l’Etat de New York.
Outre le climat et le cadre de vie, l’attrait du « Sunshine State » est avant tout fiscal. L’impôt local sur les sociétés y est de 5,5 % sur les bénéfices nets, contre 8,8 % pour New York, sans compter que la Floride ne prélève pas d’impôt sur les revenus des personnes physiques.
Depuis 2020, l’exode s’est accéléré, avec l’arrivée des hedge funds et des investisseurs institutionnels de renom. Selon des données de la société Preqin, on ne compte pas moins de 431 gestionnaires d’actifs alternatifs en Floride en 2022, contre 211 en 2019, principalement à Miami et à West Palm Beach, dont BlackRock, Starwood Capital ou Millennium. Loin de s’étioler avec la fin de la pandémie, le phénomène a fait boule de neige et, au cours des deux dernières années, on assiste à une vraie explosion de la place financière de Miami, que certains n’hésitent pas à qualifier de « Wall Street du Sud ».
« Nous avons connu vingt-quatre mois de croissance hypersonique : nous avons attiré 2.000 milliards de dollars en gestion d’actifs et avons augmenté notre pipeline de capital-risque de 200 % », déclare Francis Suarez, le maire de la ville. Pour l’édile, cela a aidé à repositionner le centre de gravité de New York et de la Silicon Valley vers Miami.
Dans ce cadre, l’annonce en juin 2022 de Ken Griffin, le patron de Citadel, du déménagement de son siège social de Chicago vers la capital floridienne renforce la tendance. « Je suis ravi d’avoir récemment déménagé à Miami avec ma famille et j’ai hâte de développer rapidement Citadel dans une ville si riche en diversité et regorgeant d’énergie, a-t-il écrit dans une note à ses employés. [C’]est une métropole dynamique et en pleine croissance, qui incarne le rêve américain. » Dans le même temps, Goldman Sachs a annoncé en septembre dernier vouloir doubler sa présence au Southeast Financial Center de Miami.
Comme le souligne Robert Holt, associé chez Grant Thornton Asset Management, la raison de cette migration n’est pas uniquement financière. Selon lui, « les impôts peuvent être une bonne raison de déménager. Mais la raison pour laquelle vous pouvez rester dépend de l’écosystème, du réseau social et, finalement, de la qualité de vie que vous souhaitez ». De fait, la deuxième vague de migration est plus large et s’étend désormais à tous les professionnels qui travaillent directement avec ces géants de la finance, allant des avocats, experts-comptables, banquiers, consultants, professionnels du capital-risque, recruteurs et assureurs aux informaticiens, ce qui renforce l’écosystème en place. Rien d’étonnant, donc, à ce que le métier titres de BNP Paribas (« Securities Services ») souhaite aussi être présent. « Nous constatons que Miami regroupe une masse critique de clients et un bon potentiel de marché, il est donc logique de servir les clients d’ici », résume Luis Berlfein.
Plus d'articles du même thème
-
L’emploi américain, une bonne nouvelle dans une période troublée
Les chiffres du rapport mensuel sur le marché du travail ressortent plutôt bons pour le mois de mars. Le détail confirme encore une dynamique faible de l’économie américaine, sans prendre encore en compte les effets des licenciements déjà effectués dans le secteur public, ni ceux liés aux risques économiques résultant de la hausse des droits de douane. -
Comment négocier son salaire quand on travaille dans la finance ?
Quand réclamer une augmentation ? Avec quels arguments ? Vaut-il mieux changer régulièrement d’entreprise ? François Nouri, associé au sein du cabinet Boyden, livre ses conseils aux jeunes professionnels du secteur financier. -
Une grève suivie à la Société Générale accentue la pression sur Slawomir Krupa
L’intersyndicale a organisé une journée de mobilisation ce mardi 25 mars. Les premiers retours font état d’un taux de grévistes d'au moins 20% dans deux régions.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions