
L’Union bancaire reste un préalable aux fusions transfrontalières

La première fusion bancaire transfrontalière d’après la crise financière risque de patienter encore quelques années. Le projet de fusion annoncé entre les espagnoles Bankia et CaixaBank la semaine dernière constitue le deuxième rapprochement significatif de l’année, après l’opération entre Intesa Sanpaolo et UBI en Italie, entérinée le 28 juillet dernier. Mais, il s’agit d’opérations locales, avec peu de conséquences à l’international. De l’avis de nombreux professionnels, ces opérations font avant tout sens car elles interviennent dans des marchés très fragmentés. «Sur les opérations transfrontalières, nous sommes beaucoup plus sceptiques», déclare Gilles de Bourrousse, analyste chez Octo Finances. «Il n’est pas certain que de telles opérations engendrent des économies de coûts. Par ailleurs, il existe toujours un risque d’exécution et ces fusions sont rendues compliquées du fait qu’il n’existe pas encore d’Union bancaire européenne.»
Pourtant, les marchés ont réagi à cette nouvelle comme si les rapprochements transfrontaliers allaient rapidement se concrétiser. Le secteur bancaire, dans son ensemble, a fortement monté en bourse. La Société Générale, souvent citée comme une cible potentielle, a par exemple vu son cours bondir de 5,59% vendredi.
Cet engouement n’est pas forcément justifié, car en dehors des freins structurels à de telles opérations, la conjoncture n’est pas vraiment propice. Certes, la valorisation des banques a baissé, mais elles sont loin d’avoir absorbé toutes les répercussions de la crise du covid. «Aujourd’hui, les banques ont passé des provisions mais elles n’ont pas encore subi les potentiels défauts qui interviendront au cours de cette crise, explique Gilles de Bourrousse. Les potentiels acquéreurs ne savent donc pas exactement ce qu’ils achètent. Le timing pour les consolidations transfrontalières n’est donc pas le meilleur.»
Cette opération pourrait ouvrir la voie à d’autres, mais avant tout locales. Ces dernières pourront d’ailleurs être encouragées. Le 1er octobre s’achèvera la consultation initiée par la BCE sur sa position concernant les règles de fusion entre les établissements européens. Le régulateur précise notamment dans ce texte qu’une fusion n’impliquerait pas forcément de fonds propres supplémentaires et que les écarts d’acquisition négatifs («badwill») pourraient servir à couvrir les frais de transaction.
Serpent de mer
Le sujet de la consolidation du secteur européen n’est pas nouveau. Certains la considèrent inéluctable, les structures européennes ne pouvant plus faire face à leurs homologues américaines, bien plus rentables. Fin 2017 déjà, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, l’appelait de ses vœux. Discours qu’il ne cesse de réitérer depuis lors, tout comme ses confrères européens. Au mois de janvier de cette année, Frédéric Oudéa, le directeur de la Société Générale – et à cette époque président de la Fédération bancaire française -, s’était, de son côté dit prêt à participer à la consolidation européenne, tout en conditionnant le départ du mouvement de consolidation à une «union bancaire achevée».
Depuis le mois de janvier, la situation européenne a totalement changé. Et les décisions prises par l’Union européenne avec son plan de relance de 750 milliards d’euros pour contrer les conséquences de la pandémie du coronavirus pourraient, selon certains, encourager les mouvements de rapprochements transfrontaliers. C’est en tout les cas ce qu’estime Ana Botin, la présidente de Santander. A la fin du mois de juillet elle déclarait à l’agence Reuters que «ce qui s’est passé (..) avec l’accord en Europe est un jalon évident pour l’union bancaire en Europe. Et l’Union bancaire et les libres transferts d’euros entre les pays sont une condition préalable à des fusions transfrontalières dans la zone euro et à une consolidation».
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