
Le réveil tardif des fusions bancaires

Les superviseurs européens appellent de leurs vœux une consolidation du secteur financier ? Carlo Messina les prend au mot. Le patron d’Intesa Sanpaolo a relancé de manière spectaculaire le mouvement de fusions et acquisitions bancaires en dévoilant une offre d’achat non sollicitée sur son compatriote UBI Banca. L’initiative est remarquable à plusieurs titres. Le prix de la cible, autour de 5 milliards d’euros, ferait de cette transaction la plus large du secteur depuis dix ans, ce qui en dit long, au passage, sur la perte de valeur des établissements de crédit en Europe durant cette période. L’approche à la hussarde d’Intesa Sanpaolo, doublée d’un accord de cession d’une partie des agences d’UBI Banca, est également rarissime dans le secteur, et rappelle, toutes proportions gardées, la stratégie qui avait présidé au rachat et au découpage d’ABN Amro à la veille de la crise financière. La Banque centrale européenne n’y verrait, à ce stade, rien à redire, au contraire.
Les temps sont mûrs en effet pour les fusions bancaires, en particulier dans des pays comme l’Italie où subsistent de nombreux acteurs régionaux. La faiblesse des taux dégrade la rentabilité structurelle des prêteurs et contribue à les maintenir dans la dépression boursière. A ces niveaux de prix et de coût du capital, les banques détruisent de la valeur année après année. Il leur faut vendre aux investisseurs une autre histoire. Celle-ci conduira à des restructurations lourdes et des fermetures d’agences, un sujet politiquement sensible, mais qui deviendra plus acceptable s’il est soutenu par les autorités et s’il a pour toile de fond l’inéluctable transformation digitale des banques. Le nettoyage avancé des bilans, impulsé tardivement mais fermement par les régulateurs européens, avec le soutien d’une politique monétaire ayant rendu les emprunteurs plus solvables, facilite également des rapprochements qui auraient paru naguère trop aléatoires.
Pour autant, ces concentrations à l’échelle d’un pays ne répondent qu’à une partie du problème posé à l’Europe. Andrea Enria, le patron de la surveillance prudentielle à la BCE, regrettait récemment la fragmentation des marchés bancaires, héritage d’une gestion de crise qui a vu nombre de banques, encouragées par leurs Etats d’origine, se recroqueviller à l’intérieur de leurs frontières. Encore faudrait-il rendre économiquement viables des fusions transnationales par essence plus complexes et risquées que des mariages domestiques. Les superviseurs donnent des signes d’ouverture sur certains points techniques, pour ne pas alourdir la barque des exigences réglementaires en capital. Mais sur la capacité à mouvoir les liquidités d’un pays à l’autre, l’harmonisation des régimes de faillite et la mise en place d’une garantie européenne des dépôts, l’Europe avance à reculons. Sans union bancaire, il sera vain d’espérer des acquisitions d’envergure à même de consolider la position de champions paneuropéens.
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