Les banques gagnent une manche contre l’Autorité de la concurrence

La cour d’appel a rendu le 2 décembre un jugement annulant une amende de 385 millions d’euros infligée aux banques en 2010 dans le dossier de l’image-chèque.
Franck Joselin
compensation des chèques bancaires
Juste avant les années 2000, les banques françaises ont décidé de passer d’un système de compensation des chèques exclusivement physique à un système dématérialisé.  -  Crédit Gadini/Pixabay

C’est une partie de ping-pong à presque 400 millions d’euros qui n’en finit pas. Le 2 décembre dernier, la cour d’appel de Paris a rendu un jugement par lequel elle annule l’amende de 385 millions d’euros qui avait été infligée aux principales grandes banques françaises dans le dossier des commissions interbancaires sur les chèques, autrement appelées commissions d’échange image-chèque (CEIC). L’Autorité de la concurrence, à l’origine l’amende, a jusqu'à début janvier pour se pourvoir en cassation. Mais le dernier jugement de la cour d’appel dans cette affaire à tiroirs, remarqué par Les Echos, donne tout de même un coup d’avance aux banques.

Ce dossier n’est pas nouveau. Les organismes bancaires ont d’abord été sanctionnés par l’Autorité de la concurrence en septembre 2010 pour avoir instauré, entre 2002 et 2007, une commission interbancaire lors de la mise en place du système dématérialisé de compensation des chèques. L’antitrust a considéré que cette commission a eu pour conséquence d’augmenter artificiellement les coûts supportés par certaines banques et, in fine, de peser sur le prix des services bancaires.

Une bataille juridique s’est alors engagée. Après une première décision d’appel en 2012 favorable aux banques, le jugement a été cassé par la Cour de cassation en 2015. Il a été rejugé par la cour d’appel de Paris en 2017, qui a cette fois donné raison à l’Autorité de la concurrence. Nouveau passage en cassation en 2020, pour arriver à cette dernière décision.

Du chèque papier à l’image chèque

Juste avant les années 2000 et le passage à l’euro, les banques françaises ont décidé de passer d’un système de compensation des chèques exclusivement physique - chronophage et source d’erreurs - à un système dématérialisé. Cependant, cette dématérialisation créait un déséquilibre entre les banques majoritairement débitées, et celles majoritairement créditées. Les premières cédaient plus tôt les fonds tandis que les autres les avaient plus rapidement à disposition.

Aujourd’hui, le niveau des taux d’intérêts rend la considération de ces délais obsolètes. Mais, à l’époque, les sommes étaient placées par les banques à un taux rémunérateur. D’où la nécessité pour elles de trouver un moyen de rééquilibrer leurs relations. C’est ce à quoi servait la commission mise en cause par l’Autorité de concurrence.

«Cet accord interbancaire est intervenu dans un contexte très particulier, explique à L’Agefi l’avocat spécialiste de la concurrence Olivier de Juvigny, associé chez Peltier Juvigny Marpeau & associés. Il a été conclu par les banques avec la Banque de France, sous l’égide des pouvoirs publics et afin de permettre une réforme d’intérêt général. Il s’agissait de passer enfin à la dématérialisation de la compensation des chèques, ce qui a accéléré les paiements et réduit les coûts de compensation, tout en assurant la pérennité de ce moyen de paiement.»

Objet vs effet

Même si les faits générateurs du litige datent d’il y a 20 ans, le jugement rendu début décembre apporte une nouveauté. Initialement, l’Autorité de la concurrence reprochait aux banques une infraction pour objet. Selon cette notion juridique, l’Autorité n’a pas à prouver les conséquences concrètes de la pratique incriminée du moment qu’elle apparaît suffisamment grave pour pouvoir présumer qu’elle peut avoir des effets.

Alors que les premiers jugements d’appel statuaient sur l’existence ou non d’une infraction par objet, la décision du 2 décembre va plus loin. La cour a examiné cette fois-ci les faits dans le détail et a conclu «qu’il n’est pas établi» que l’instauration d’une commission interbancaire pour l’échange d’image-chèque (CEIC) a enfreint les règles de bonne concurrence. En clair, certaines banques ont bénéficié de la mesure, d’autre non, et d’autres encore ont pu, selon les périodes, être avantagées ou pénalisées.

C’est un soulagement pour les banques. Les amendes, non déductibles fiscalement, sont loin d’être négligeables: par exemple 91 millions d’euros pour BPCE, 82 millions pour le Crédit Agricole, 63 millions pour BNP Paribas, 53 millions pour la Société Générale ou encore 33 millions pour La Banque Postale. Certains organismes se sentaient par ailleurs doublement pénalisés car ils estimaient que l’instauration de la commission d’échange image-chèque avait, en plus de l’amende, eu un impact négatif sur leurs revenus.

Aujourd’hui, l’affaire reste sensible. Même si la direction de l’Autorité de la concurrence a changé deux fois depuis la première amende infligée sur ce dossier en 2010, en rester là reviendrait tout de même à reverser aux banques les sommes confisquées. Une ponction malvenue sur le budget de l’Etat.

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