
L’effet Kamala Harris

La «Kamalamania» - à savoir, l’enthousiasme déclenché par la candidature de Kamala Harris à l’élection présidentielle américaine – s’est invitée il y a quelques jours à la Mostra de Venise. Face à un autre symbole de la «femme forte», Sigourney Weaver, 74 ans, actrice emblématique qui a marqué les esprits pour son rôle dans le film Alien, une journaliste s’interroge : a-t-elle contribué, en portant à l’écran de tels exemples féminins, à l’ascension aujourd’hui d’une femme telle que Kamala Harris ? La question a ému l’intéressée, lassée par des années de trumpisme, qui a confessé recevoir «beaucoup de témoignages de femmes la remerciant» pour avoir ouvert à l’écran – et dans les esprits - le champ des possibles.
Est-ce-à dire que le succès de l’une doit être attribué aux femmes qui, avant elle, ont montré la voie ? Dans le monde de l’entreprise, plus particulièrement dans les filières scientifiques et dans la finance qui ont ouvert plus tardivement leurs portes aux femmes, les pionnières se sont faites seules. Il en va ainsi de Géraldine Trippner, qui fut une des rares femmes en salle de marché lorsqu’elle débuta il y a 30 ans chez Deutsche Bank, ou encore Céline Méchain, co-directrice du bureau parisien de Goldman Sachs qui s’est imposée dans un monde des fusions-acquisitions à la réputation très masculine. «Plus nous serons nombreuses dans des rôles de leadership, plus les jeunes femmes pourront se projeter elles aussi», a-t-elle d’ailleurs confié à L’Agefi. Même constat dans le private equity où Sophie Nordmann, partner chez Siparex, déplorait lors de notre forum Talent for finance : «il n’y a pas assez de rôles modèles, nous ne sommes pas assez de femmes seniors».
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Transformer l’essai des pionnières
Quel que soit le domaine, les pionnières ont, en cela, un statut à part. Pour qu’elles ne marquent pas l’Histoire comme des femmes au destin exceptionnel dans un monde dominé par les hommes, il faut qu’elle puisse s’écrire au pluriel. Or, «les pionnières ne font pas toujours œuvre collective et ne peuvent pas toujours penser en sororité ou dans une solidarité «entre femmes» les progrès qu’elles réalisent d’abord pour elles-mêmes», pointe la sociologue spécialisée dans les études de genre Delphine Gardey. Car l’ascension passe, bien souvent, par l’adhésion aux normes du groupe dominant que l’on souhaite intégrer.
La «Kamalamania» entraînera-t-elle à sa suite une génération de jeunes filles rêvant, les étoiles dans les yeux, d’accéder aux plus hautes fonctions ? Son statut de femme revêt déjà une importance symbolique dans cette campagne, à en juger par les attaques du camp républicain sur son statut de «childless cat lady» (femme à chat, sans enfants). Une campagne négative qui la ramène là où une femme est attendue. Ainsi, de nombreuses dirigeantes que je rencontre dans le cadre de cette newsletter se sentent obligées de souligner qu’elles ont AUSSI des enfants. Comme si une femme qui réussit devait obligatoirement battre en brèche ce cliché de la carriériste, délaissant les autres aspects de sa vie de femme. En cela, l’exemple de Kamala Harris est inspirant, à plusieurs titres. Issue de la diversité, elle incarne aussi la figure moderne de la famille recomposée - et heureuse. Des questions sur lesquelles la société, comme les entreprises, ont encore beaucoup de chemin à faire.
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