
Le volontariat international, passeport pour l’expatriation des jeunes financiers

« Nous y avons eu recours depuis le début et nous allons continuer », soutient Tiphaine Saltini, CEO de Neuroprofiler. Pour cette fintech créée en 2016 et spécialisée dans la finance comportementale et la gamification, le volontariat international en entreprise (VIE) est un outil précieux. Notamment pour son développement commercial. « Nous aidons les institutions financières à évaluer l’appétence au risque du client et à diversifier son épargne, ce qui répond à une obligation réglementaire européenne, détaille-t-elle. Soixante-dix pour cent de nos propres clients sont français mais disposent de filiales internationales. Nous avons plusieurs prospects en Europe et commençons à monter des pilotes aux Etats-Unis et en Asie, mais, jusqu’ici, nous avons surtout eu besoin de profils bilingues pour l’Espagne et l’Italie. »
Pas loin d’une dizaine de volontaires ont ainsi épaulé Neuroprofiler pour des missions d’un an, reconduites pour une année supplémentaire lorsque tout se passe bien. Avec, à la clé, une éventuelle proposition de CDI, même si Tiphaine Saltini constate chez les jeunes une certaine propension au zapping. « Au bout de deux ans, ils estiment souvent avoir fait le tour de la question et ont envie d’autre chose. »
Un format confortable
Quoi qu’il en soit, le dispositif géré par Business France, l’Agence nationale de l’internationalisation de l’économie française, est, dit-elle, incomparable en termes de rémunération et de gestion administrative et RH. De fait, le contrat est passé entre le volontaire et Business France, exonérant ainsi l’entreprise de tout lien contractuel et de toutes charges sociales en France. Couverture santé, assurance rapatriement, etc., l’agence s’occupe de tout. « J’ai moi-même réalisé un VIE à Hong Kong pour BNP Paribas, que j’ai d’ailleurs préféré à un CDI sur place, raconte Tiphaine Saltini. C’est un format très confortable. Business France a des bureaux partout dans le monde et chaque volontaire dispose d’un référent à proximité, qui se charge de trouver une solution au moindre problème. »
L’indemnité du volontaire international intègre une part fixe révisée chaque année, d’un montant de 749,33 euros par mois en 2022, ainsi qu’une indemnité géographique, établie en fonction du niveau de vie local. Celle-ci est réduite de 20 % quand l’entreprise doit participer à la prise en charge du logement ou choisit de le faire. Recalculée trimestriellement, elle atteint, par exemple, 1.885 euros aux Emirats arabes unis hors Abu Dhabi et 3.153 euros pour la métropole de New York, selon le barème au 1er octobre 2022. Le tout sans cotisations sociales ni impôt.
Autre avantage pour Neuroprofiler : « Nous pouvons recruter par ce biais des profils assez variés, dans le droit, le marketing, la vente, etc., qui ont envie de se forger une réelle expérience à l’international. La plupart sont des étudiants, mais certains profils plus âgés ont déjà travaillé. J’aimerais d’ailleurs que la limite d’âge [fixée à 28 ans, NDLR] soit relevée, surtout pour des petites entreprises comme la nôtre, car établir un CDI à l’international est très complexe. »
Angela Acheampong, 29 ans, tenait à faire un VIE, avec une préférence pour Hong Kong, l’Afrique et les Etats-Unis. Titulaire, depuis 2016, du master gestion des instruments financiers de l’université de Cergy-Pontoise – après une licence dont elle passe les cinq derniers mois à l’université de technologie de Wuhan, en Chine –, elle travaille d’abord près de deux ans comme contrôleur financier et comptable au Crédit Agricole puis chez BNP Paribas Arbitrage. Puis démissionne pour chercher un autre poste. En mars 2020, elle signe finalement pour un VIE à Jersey City (près de New York), à la Société Générale, qui l’avait déjà accueillie en alternance.
Une autre façon de travailler
Mais l’épidémie de Covid-19 chamboule ses plans : « Le début de mission a été reporté de plus d’un an. Dans l’intervalle, je suis partie au Ghana mener un projet entrepreneurial de ‘leasing’ pour les chauffeurs de taxi », raconte-t-elle. Lorsque les voyants repassent au vert en août 2021, elle confie son affaire à un manager et s’envole directement pour la Grosse Pomme. Dans le cadre de son VIE, qui se termine fin janvier 2023, elle est contrôleuse financière de niveau 2.
« Les Américains s’attendent à ce que l’on soit curieux. C’est à nous de poser des questions et de chercher l’information pour devenir autonomes, raconte Angela Acheampong. Le rapport au management est différent également, moins hiérarchique. Tant que le travail est fait, on l’organise comme on veut. » Si la cherté de la vie sur place oblige à quelques concessions – « la colocation est incontournable », dit-elle –, « l’expérience est très enrichissante professionnellement et culturellement parlant. J’ai découvert une autre façon d’apprendre et de travailler. Et j’en profite pour visiter les Etats-Unis. » La suite ? « Je cherche actuellement un poste dans une banque française au Canada. A défaut, je reviendrai en France. En gardant l’œil sur mon projet au Ghana. »
Selon une enquête Business France-Edhec NewGen Talent Centre menée auprès d’anciens volontaires et publiée le 27 septembre, 92 % des jeunes ont trouvé un emploi en moins de six mois à l’issue de leur VIE ; 73 % ont acquis un niveau de langue courant ou bilingue ; et 77 % occupent un poste avec une dimension internationale. La finance et l’assurance, qui ne représentent actuellement que 4,6 % des employeurs « utilisateurs » (78 entreprises), constituent le troisième secteur de recrutement des VIE, avec plus de 13,5 % des contrats, soit 1.114 jeunes. La finance étant la première spécialité, avec plus de 15 % des missions.
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