
Le martyre de l’obésité réglementaire

L’enfer réglementaire est décidément pavé de bonnes intentions. L’objectif de protection de l’investisseur vient d’accoucher en 2023 d’une aberration qui met directement l’épargnant au supplice sans passer par le purgatoire. Depuis le 1er janvier, le DIC, document d’informations clés, doit être remis à chaque souscription d’un placement collectif. L’idée, qui a germé dans les cerveaux bruxellois, était sur le papier limpide : offrir, en deux ou trois pages, la vision synthétique des caractéristiques, des risques et des gains d’un fonds ou d’une assurance-vie en unités de compte.
Désormais accessible sur le site des fournisseurs de produits financiers, le résultat est à la hauteur des craintes exprimées. L’ancêtre du DIC donnait à l’investisseur une vue du rendement du fonds par rapport à ses indices de référence, ainsi que des frais supportés. Exit ces informations essentielles, puisque, selon la formule consacrée, les performances passées ne permettent pas de préjuger de l’avenir. Elles ont été remplacées par des simulations de rendement futur à court, moyen et long terme, selon quatre scénarios. Quelles en sont les hypothèses ? Le client l’ignore. Comment le comportement du placement est-il extrapolé ? A partir… des performances passées. Vous avez dit usine à gaz ?
Quant aux frais de gestion, ils n’ont rien gagné en limpidité. Au bout du compte, ce qui avait été conçu pour éclairer le particulier dans ses choix se révèle être un pensum, aussi pénible à rédiger pour les professionnels que déroutant à lire. Il y a fort à parier que seule une minorité trouvera utile de se référer à ce document. Ce n’est pas faute pour la profession d’avoir alerté les autorités sur les impasses conceptuelles du DIC.
D’autres symptômes d’obésité pointent à l’horizon. Prenons la directive européenne CSRD. Là encore, l’intention est louable : faire en sorte que les entreprises, à compter de 2025, fournissent à leurs parties prenantes toutes les données extra-financières permettant de mesurer leur impact sur l’environnement, et réciproquement. La quantité d’informations que des PME de 250 salariés devront produire a pourtant de quoi effrayer le dirigeant le plus aguerri (lire le Dossier). Ces reportings, riches de dizaines d’indicateurs et d’un bon millier (!) de points de contrôle, permettront-ils d’orienter les capitaux vers les entreprises les plus vertueuses ? Ou bien ne serviront-ils qu’à se mettre en conformité avec le texte ?
La machine réglementaire, dont la masse a décuplé à la suite de la crise financière de 2008, a prouvé sa capacité à perdre ses objectifs de vue pour fonctionner à vide. Comme toute administration, sa raison d’être non avouée est de nourrir ceux qui la font tourner. Ce qui donne paradoxalement un maigre espoir de changement à ceux qu’elle afflige : à peine une réforme, bonne ou mauvaise, entre-t-elle en vigueur que sa révision est déjà lancée.
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