
Le Crédit Mutuel donne des gages sur le traitement des clients fragiles

Après son «coup» de fin avril pour l’indemnisation des pertes d’exploitation des professionnels, le plus souvent non prises en charges par les assureurs, le Crédit Mutuel Alliance Fédérale secoue une nouvelle fois le monde de la bancassurance. Le groupe qui rassemble la grande majorité des fédérations du Crédit Mutuel et le CIC a annoncé hier la suppression définitive des frais d’incidents de paiement pour une partie de ses clients particuliers les plus fragiles, bénéficiaires d’une offre de services de base à 3 euros par mois.
De quoi relancer le débatsur les tarifs bancaires, que le ministre de l’Economie a voulu clore la semaine dernière en promettant, à l’Assemblée nationale, de définir la notion de «client fragile». Bruno Le Maire n’avait alors pas annoncé une baisse de la facturation des incidents de paiement, malgré les demandes de certains parlementaires.
Le précédent Arkéa
«La mesure a été mise en place le 20 mars dernier pour protéger les clients les plus touchés par la crise sanitaire. Nous avons décidé de la pérenniser», précise la banque. Avec cette ristourne qui pourra atteindre 200 euros par an et par compte (le maximum légal pour ce type de clientèle), le poids lourd du groupe Crédit Mutuel emboîte le pas d’Arkéa, son cousin breton dissident, qui a déjà franchi le cap dès février 2019.
«Ce n’est pas une offre commerciale, concurrentielle ou marketing, assure un porte-parole du Crédit Mutuel. Seuls les clients (donc pas les prospects) identifiés par la banque selon les critères légaux et réglementaires peuvent y souscrire». Le groupe mutualiste rejette aussi l’accusation d’irresponsabilité, avancée traditionnellement par certains banquiers pour justifier les facturations appliquées sur les comptes débiteurs, qui devraient inciter les clients à mieux gérer leur budget. «Nous maintenons dans cette offre spécifique un conseiller dédié de proximité, explique le porte-parole. Notre objectif premier est bien d’accompagner le client qui se trouve en fragilité financière (généralement en raison d’un accident de la vie ou de précarité) à en sortir. Par exemple en l’aidant à décaler certaines mensualités en fonction de la date de paiement de son salaire.»
35.000 bénéficiaires
L’annonce du Crédit Mutuel concerne uniquement les personnes ayant souscrit l’«offre spécifique» destinée aux clients «fragiles économiquement». Dans ce panier de services de base (dépourvu de découvert autorisé et de chéquier) que doivent proposer toutes les banques, le traitement des rejets de virement ou de prélèvement est plafonné, depuis 2019, à 20 euros par mois maximum et 200 euros par an. Dans l’hypothèse où tous les titulaires atteindraient le maximum des frais annuels d’incidents, leur annulation coûterait au Crédit Mutuel 7 millions d’euros. Soit 0,07% des revenus 2019 de ses activités de banque de détail.
En effet, seules 35.000 personnes bénéficient de son «offre spécifique», soit environ 15% de la population éligible, selon le groupe. Les autres ne veulent pas être stigmatisées en souscrivant un service réservé aux «pauvres», ou méconnaissent le produit, qui existe pourtant depuis 2014 et que les banques ont l’obligation de promouvoir. Alors que La Banque Postale concentre l’essentiel des bénéficiaires (112.000 fin 2019) en sa qualité d’établissement public ayant une mission d’«accessibilité bancaire», le nom des mauvais élèves de l’inclusion bancaire devrait enfin être rendu public dans les prochaines semaines, a promis la semaine dernière Bruno Le Maire.
Pratiques hétérogènes
Ces dernières années, la communication des banques a plutôt été centrée sur les offres low-cost, comme Eko du Crédit Agricole, tentant de répliquer le succès du compte sans banqueNickel, passé dans le giron de BNP Paribas. Ces services ne donnent pas droit au plafond de 200 euros par an sur les incidents mais limitent leur survenue, en n’autorisant pas les découverts par exemple.
Certains établissements ont aussi fait le choix de renoncer aux commissions d’intervention prélevées en cas de solde négatif, notamment les banques en ligne, ou encore aux frais pour rejet de virement, telles les Caisses d’Epargne. Depuis les mesures «gilets jaunes» de fin 2018, le coûts des incidents est par ailleurs limité à 300 euros par an pour les clients fragiles au sens large. La définition de cette population, encore floue et différente d’une banque à l’autre, fera l’objet d’un arrêté prochain du ministère de l’Economie, avec un seuil fixé à «cinq incidents bancaires dans une période d’un mois».
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