Bercy resserre la vis sur les tarifs bancaires... à moindre frais

Bruno Le Maire promet de définir la notion de «client fragile» et de dénoncer les banques récalcitrantes, sans pour autant baisser davantage la facturation des incidents de paiement.
Amélie Laurin
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire devant l’Assemblée nationale le jeudi 4 juin 2020.
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire devant l’Assemblée nationale le jeudi 4 juin 2020.  -  Capture écran Assemblée nationale.

Eteindre l’incendie avant qu’il ne se propage. C’est l’exercice auquel s’est livré ce jeudi le ministre de l’Economie Bruno Le Maire sur la question des frais bancaires. Le locataire de Bercy s’est engagé devant les députés à définir par décret, dans les prochaines semaines, la notion de «client fragile» qui concerne les consommateurs éligibles au plafonnement des frais d’incidents bancaires (découvert non-autorisé et rejet de chèque, prélèvement ou virement). Il souhaite aussi une mise à jour de la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement. Les banques qui ne joueront pas le jeu verront leur nom publié en juillet, a prévenu le ministre, qui réitère la menace de «name and shame» (nommer et stigmatiser) déjà formulée en février dernier, et promise la semaine dernière encore par la Banque de France.

Le gouvernement espère ainsi contrecarrer les voix de l’opposition qui réclament une baisse des tarifs bancaires. L’Assemblée nationale examinait hier une proposition de loi de la France insoumise visant à plafonner la facture de tous les Français à «2 euros par incident bancaire dans la limite de 20 euros par mois et 200 euros par an». Non soutenue par la majorité parlementaire, la proposition a été rejetée. La semaine dernière, le Sénat avait voté en faveur d’une proposition socialiste plus large, visant à limiter le montant de l’ensemble des frais bancaires.

15% de bénéficiaires en plus

Le débat refait surface alors que la crise économique engendrée par le Covid-19 risque d’accentuer les problèmes financiers des ménages. Bruno Le Maire souhaite «préciser ce qu’est un client fragile car aujourd’hui il y a un flou qui règne autour de cette notion-là», laissée à l’appréciation des banques. Le décret fixera le seuil à «cinq incidents bancaires dans une période d’un mois» et un client sera alors considéré comme «fragile pendant trois mois». Selon Bruno Le Maire, «ces évolutions vont conduire à une augmentation d’au moins 15% du nombre de nos concitoyens bénéficiant du plafonnement des frais d’incidents bancaires».

La future norme a déjà reçu le satisfecit des établissements de crédit. «Depuis plusieurs semaines, les banques travaillent avec le ministère de l’Economie et des Finances et des parlementaires pour améliorer encore les dispositifs mis en place. C’est dans le cadre de ces échanges qu’interviennent les annonces du ministre de ce jour», a réagi la Fédération bancaire française (FBF). En coulisse, le ton est moins amène. «Les annonces de Bruno Le Maire sont uniquement politiques, raille un banquier. Le coût de traitement et le travail de suivi de la clientèle seront plus importants car on va accélérer la détection [des clients fragiles]. Et on oublie qu’on parle de personnes qui, au final, ne paient pas leurs factures !»

«La profession bancaire est fortement mobilisée depuis plusieurs années pour apporter des solutions aux clients fragiles financièrement», estime de son côté la FBF. «C’est dans ce cadre que les banques ont pris des engagements forts en septembre et décembre 2018». Le lobby des banques fait référence à l’annonce du plafonnement à 20 euros par mois des frais d’incidents de paiements pour les clients de l’«offre spécifique» destinée aux personnes modestes, puis à leur limitation à 25 euros par mois pour les «clients fragiles», avec les des mesures dites «gilets jaunes» de fin 2018.

Protéger les emplois bancaires

A l'époque, la Banque de France avait estimé à 3,6 millions le nombre de Français éligibles au plafond de 25 euros. Selon elle, cette mesure et le gel de l’ensemble des tarifs bancaires pour l’année 2019 devaient représenter un manque à gagner de 500 à 600 millions d’euros pour les établissements de crédit.

«Le plafonnement des frais est efficace» et la situation a «plus bougé en un an qu’en dix ans», a plaidé la semaine dernière François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Pour autant, «les services rendus par les banques méritent des revenus», du fait de leur «présence territoriale» et de leurs «centaines des milliers d’emplois», a ajouté le gouverneur qui pointe la faible rentabilité du secteur. Bruno Le Maire a lui aussi évoqué hier la nécessité de «protéger un certain nombre d’emplois» dans le secteur bancaire.

Selon Bercy, 3,3 millions de Français ont déjà bénéficié du plafond de 25 euros, auxquels s’ajoutent les 500.000 personnes ayant souscrit une «offre spécifique». La Banque Postale concentre une large part de cette population, avec la moitié des «clients fragiles», soit 1,6 million, et 112.000 adhérents à l’«offre spécifique» à fin 2019.

L’établissement public, qui a une mission d’accessibilité bancaire, revendique «une détection précoce des situations difficiles» et «une définition large de la fragilité bancaire» qui inclut toutes les personnes sous le seuil de pauvreté, et celles dont le compte a connu des irrégularités «de manière répétée» depuis trois mois. Le Crédit Agricole cite le même critère, mais prend aussi en considération la situation financière globale de ses clients. Il faut que les frais de dysfonctionnement soient «supérieurs à 10% des flux créditeurs» du compte ou «supérieurs à l’épargne disponible» du client, précise le site internet de la banque verte. Tous les établissements devront publier leurs critères d’ici à fin juin, indique Bercy.

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