
L’assurance vie à la française va boire la tasse cette année

L’année 2020 s’annonce décevante pour les épargnants détenteurs de fonds en euros, le produit phare de l’assurance vie tricolore. «Evidemment la baisse (des taux, ndlr) va continuer» à l’échelle du marché, prédit Renaud Dumora, directeur général de BNP Paribas Cardif, reçu hier par l’Association nationale des journalistes de l’assurance. Au titre de 2020, le recul de la rémunération de ces produits atteindra «plusieurs dizaines de points de base (pb)» en moyenne, prédit le dirigeant.
Il y a un an, Generali France avait fait trembler la profession en annonçant la fin du modèle de l’assurance vie en euros, pénalisée par les taux bas, voire négatifs, des obligations souveraines. Ces contrats au capital garanti ont finalement servi aux particuliers un rendement moyen de 1,33% au titre de 2019, contre 1,66% un an plus tôt, selon le site spécialisé Good Value for Money. «Pour 2020, nous faisons l’hypothèse d’un taux moyen compris entre 1% et 1,10%», déclare Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du site et du cabinet de conseil Facts & Figures. Soit une érosion de 23 à 33 pb après -33 pb pour 2019, des replis inédits depuis 2015. En début d’année, plusieurs assureurs étaient même descendus jusqu’au seuil psychologique de 1%, voire en dessous pour certains fonds en euros, à l’instar de la Société Générale (malgré un taux moyen de 1,35% pour l’ensemble de ses produits).
Aller chercher du rendement
De son côté, BNP Paribas Cardif avait annoncé un taux moyen de 1,41% au titre de 2019, et de 1,37% pour son principal produit grand public. Renaud Dumora ne livre pas de pronostic pour cette année, mais souligne qu’il «fait partie des assureurs qui croient au fonds général», qui a «toute sa place dans l’offre aux assurés». «La performance reste très intéressante par rapport au marché», ajoute-t-il.
Malgré le contexte de taux durablement bas, ces supports disposent en effet de relais de performance. «L’an dernier, Predica (filiale du Crédit Agricole et premier assureur vie français, ndlr) a acheté 17,3 milliards d’euros d’obligations avec un rendement moyen de 1,09% et une notation BBB pour 43% du montant, donc clairement des obligations d’entreprises. Chez Suravenir (filiale du Crédit Mutuel Arkéa, le rendement moyen des obligations acquises l’an dernier atteint même 1,65%, souligne Cyrille Chartier Kastler. Si la profession a raison d’alerter sur le rendement négatif de l’OAT (emprunt de l’Etat français, ndlr) à 10 ans, force est de constater qu’elle n’en achète quasiment plus et qu’elle sait aller chercher du rendement ailleurs.»
Bond des UC à relativiser
Le secteur essaie aussi de promouvoir les alternatives au fonds en euro. Avec des politiques commerciales plus ou moins strictes. Chez BNP Paribas Cardif, il n’y a «pas de restrictions» à l’accès au fonds général jusqu’à 100.000 euros, assure son dirigeant. Comme ses concurrentes, la compagnie mise sur les unités de compte (UC), produits non garantis investis dans des actifs plus risqués. La filiale de BNP Paribas affiche un taux d’UC de 36% sur sa collecte en France. Un niveau similaire à la moyenne de marché de 35% observée sur les sept premiers mois de l’année par la Fédération française de l’assurance (FFA). «Le taux de pénétration augmente mais cela fait trois ans que les assureurs collectent entre 3,5 et 4 milliards d’euros chaque mois sur les UC», assure Cyrille Chartier-Kastler. Les versements sur ces supports ont en effet atteint 22,5 milliards d’euros à fin juillet, contre 20,5 milliards un an plus tôt, quand le taux d’UC atteignait seulement 24%, selon la FFA.
En parallèle, le total des versements en assurance vie a reculé de 22,7 milliards, à 64,7 milliards, en raison du coup de frein sur la vente des fonds en euros… et du confinement. Depuis mars, la collecte nette des prestations servies est négative chaque mois, et atteint -5,2 milliards en cumulé depuis janvier. L’ampleur du mouvement reste pour le moment limitée par rapport au stock d’assurance vie, qui atteint 1.766 milliards d’euros au 31 juillet.
L’épine H2O
Reste à savoir si l’appétit pour les UC va permettre de compenser le désamour pour les fonds en euros. De nombreux supports ont été malmenés par la volatilité des marchés financiers, dans le sillage du krach boursier du mois de mars. Certains se révèlent aussi victimes des investissements illiquides de H2O, filiale de Natixis chouchoute des conseillers en gestion de patrimoine (CGP) et des assureurs vie. Plusieurs de ses fonds ont été gelés fin août. «H2O est un sujet de Place», reconnaît Renaud Dumora. Pour «préserver l’intérêt des assurés», il espère à terme récupérer des «produits» de la poche cantonnée des fonds H2O. Ces produits étaient distribués par ses partenaires CGP, les banques privées de BNP Paribas et AEP, la marque haut de gamme de BNP Paribas Cardif. Cette dernière n’a «pas encore décidé» si elle allait continuer à travailler avec la filiale de Natixis.
La compagnie reste par ailleurs dans l’expectative sur les contrats eurocroissance nouvelle génération, issus des dispositifs d'épargne mis en place par la loi Pacte. Au-delà de ce produit, encore peu répandu, certains assureurs tentent des variations autour du fonds en euros classique, en abaissant par exemple la garantie du capital. Allianz France a présenté lundi un nouveau format, avec un rendement (participation aux bénéfices) réinvesti en UC et bloqué pendant cinq ans.
Plus d'articles du même thème
-
Groupama enregistre le résultat le plus élevé de son histoire
L’assureur mutualiste affiche des résultats 2024 en nette progression par rapport à l’exercice précédent grâce à la bonne tenue de l’ensemble de ses activités d’assurance et une sinistralité "climatique" clémente. Toutefois, le ratio de solvabilité pâtit d’effets de marché défavorables et d’exigences en capital plus élevées. -
Harvest commence à sortir du bois après sa cyber-attaque
Sonia Fendler, directrice générale adjointe chez Harvest, est intervenue à la Convention annuelle de l’Anacofi, quelques jours après s'être exprimée lors d'une réunion organisée par la CNCGP. Elle a donné des premiers éléments d’explications sur l’origine de la fuite de données et confirmé que la période d’indisponibilité des services ne sera pas facturée. -
Le courtier en assurances Adélaïde confirme ses ambitions de croissance
Le groupe de courtage familial indépendant boucle une belle année 2024 et entend bien continuer sur cette lancée. Un nouveau directeur général pour Verlingue attendu fin avril viendra renforcer encore la dynamique de croissance de la filiale historique du groupe.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions