
L’AMF ébranle la réglementation de l’analyse financière

La commission des sanctions de l’AMF vient peut-être de créer un précédent pour la réglementation de l’analyse financière. Si l’instance a pénalisé la semaine dernière un ancien analyste de Kepler Cheuvreux pour manquement à ses obligations professionnelles, elle n’a en revanche pas retenu le grief de l’utilisation d’informations privilégiées. L’analyste était pourtant intervenu à 48 reprises sur des titres faisant l’objet d’une note du courtier avant que celle-ci ne soit diffusée, dont 28 changements de recommandation ou initiations de couverture.
L’analyste de 36 ans, anonymisé par la commission, a été condamné à une amende de 100.000 euros ainsi qu’à une interdiction d’exercice du métier pendant dix ans. Licencié en raison des faits reprochés, M. A a réalisé entre 2012 et 2014 des transactions personnelles non autorisées sur 76 titres ayant donné lieu à une plus-value de 411.781 euros via des comptes titres non déclarés. Outre cette infraction à l’article 313-27 du règlement général de l’AMF, transposé dans le règlement intérieur du courtier, M. A a émis un avis sur le titre Vallourec alors qu’il disposait de 19.967 actions du groupe, ce qui lui a valu un grief de diffusion d’une fausse information.
La commission, qui ne s’est pas alignée sur l’amende de 750.000 euros requise par le collège de l’AMF, n’a pas non plus retenu le grief concernant l’utilisation d’informations privilégiées. «Une note d’analyse, et a fortiori un projet de note dans le cas présent, est un travail intellectuel fondé sur des données publiques, contrairement aux informations ou faits portés à la connaissance d’un cadre ou d’un conseil d’une entreprise», justifie Samuel Sauphanor, l’un des avocats de l’analyste. «Par ailleurs, nous avons démontré le caractère structurellement aléatoire de l’impact sur le cours de Bourse d’un titre d’une recommandation de Kepler Cheuvreux».
Cette décision devrait néanmoins faire parler au sein de la profession. Selon nos informations, la commission de déontologie de la Société française des analystes financiers devrait ainsi évoquer cette décision à la fin du mois. «Il y a quand même eu utilisation d’informations avant leur diffusion alors que les bureaux d’analyse sont très scrupuleux dans le respect de l’équité entre les clients. Kepler Cheuvreux est en outre un courtier très influent, souligne un professionnel du secteur. Les notes sont longuement vérifiées en interne avant parution et la possible utilisation à des fins personnelles crée une brèche dans la déontologie.»
Plus d'articles du même thème
-
Le nouveau dilemme européen du déploiement de Bâle 3
Sans parler de retour en arrière ou de dérégulation, l’Europe semble désormais consciente d’être allée plus vite et plus loin que les autres juridictions en matière de règlementation bancaire. L’optimisation des règles qui restent encore à produire dans le cadre de la transposition du dernier paquet bancaire de Bâle 3 et de la mise en œuvre de la FRTB cristallise l’attention du secteur. -
Thomas Verdin (BM&A Reg Tech) : «L’application des règles de Bâle a un coût opérationnel important»
La finalisation des règles de Bâle obligera les banques, qui étaient habilitées à n’utiliser que des méthodes internes de mesure des risques, à comparer ces résultats avec une méthode dite standard, à partir de données externes. Thomas Verdin, directeur associé de BM&A Reg Tech, explique simplement quelles sont les implications opérationnelles de ces changements. -
Le Parlement européen vote un report de CSRD
Le Parlement européen a voté le report des dates d’application des nouvelles législations de l’UE sur le devoir de vigilance et la publication d’informations en matière de durabilité pour certaines entreprises.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions