
La BRI s’inquiète du poids croissant de la gestion d’actifs

Le travail des régulateurs n’est jamais vraiment terminé. Depuis la crise financière, la réglementation financière mondiale s’est largement développée, mais elle s’est fortement concentrée sur le secteur bancaire, note la Banque des règlements internationaux (BRI) dans son rapport annuel publié hier. Or, «après la crise, le poids des intermédiaires non bancaires tels que les gérants d’actifs et les investisseurs institutionnels a sensiblement augmenté, ce qui influencera sans doute la dynamique de tout épisode futur de tensions financières», explique la banque des banques centrales. L’ensemble de leurs actifs atteint désormais près de 160.000 milliards de dollars, davantage que ceux des banques au niveau mondial, souligne la BRI.
La croissance de la gestion d’actifs «peut entraîner des évolutions dans les dynamiques de marché, vers davantage de volatilité et des mouvements de marché plus violents», explique à L’Agefi Claudio Borio, chef du département monétaire et économique. «Cette tendance a été exacerbée par le recours important à la politique monétaire depuis la crise», ajoute-t-il. Les fonds de pension et assureurs liés à des engagements de long terme ont dû faire face à la chute des rendements obligataires, et ont en conséquence eu tendance à augmenter la duration de leur portefeuille, passée de 4 ans en moyenne à plus de 5 ans en zone euro et de 6 à 7 ans aux Etats-Unis, ou à investir dans des actifs plus risqués, les obligations d’entreprises notées AAA à A voyant leur part reculer de plus de 80% de leurs actifs à environ 65%. La concentration du secteur, avec les vingt premiers acteurs contrôlant près de la moitié des actifs sous gestion, et le développement de la gestion passive viennent accentuer ces vulnérabilités, estime la BRI.
«L’illusion de liquidité»
Les économistes de la BRI mettent ainsi en garde sur le risque de comportements grégaires, amplifiant les mouvements de marché. Un risque particulièrement important pour certains segments de marchés relativement peu liquides, comme les obligations d’entreprises. Les fonds ouverts américains détiennent ainsi désormais plus de 16% de ces titres, contre moins de 7% en 2005. Dans un encadré consacré à ces effets d’amplification, la BRI prend l’exemple du taper tantrum de 2013, durant lequel la liquidité des dix ETF obligataires les plus importants s’est fortement détériorée, les fourchettes de cotation prix offre-demande (bid-ask) passant de moins de 12 points de base (pb) à plus de 24 pb.
Mais les effets du recul des banques de la tenue de marché peuvent également se faire sentir sur des marchés habituellement liquides. Lors de l’épisode de rebond des rendements italiens, «aucune contrepartie n’était à l’achat, quel que soit le prix, pour amortir l’afflux des ordres de vente», observe une source de l’industrie. «Ce n’est pas parce que la liquidité apparaît abondante durant les périodes d’expansion qu’il faut compter dessus en période de stress», met également en garde Claudio Borio vis-à-vis de «l’illusion de liquidité».
Pour pallier ces vulnérabilités, «l’attention des superviseurs pourrait avoir besoin de basculer vers les acteurs non bancaires et sur la façon dont ceux-ci agissent dans des scénarios de stress», souligne la BRI. «Il y a certains aspects comme la gestion de la liquidité où il existe des régulations mais elles s’appliquent à chaque fonds de manière isolée au lieu de s’intéresser à la position cumulée du secteur et à l’impact sur le reste du système financier», précise Claudio Borio.
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