
Jeunes banquiers, faites votre place au soleil !

Le soleil, la mer… et une carrière en banque de financement et d’investissement (BFI). Sur le papier, la proposition de Citi d’ouvrir un hub à Malaga, dans le sud de l’Espagne, pour 30 analystes sonne comme une promesse de réconciliation entre vie privée et vie professionnelle. La banque américaine espère ainsi que 320 jours d’ensoleillement annuels convaincront des jeunes des universités des quatre coins de l’Europe de venir tenter leur chance dans cette ville de 580.000 habitants de la Costa del Sol.
La banque avance d’autres arguments : le faible coût de la vie mais aussi la présence d’un écosystème, qui vaut désormais à Malaga le titre de capitale technologique andalouse, et plus largement espagnole. Vodafone a indiqué fin janvier y investir quelque 225 millions d’euros au cours des cinq prochaines années dans un centre européen de recherche et développement (R&D), qui créera 600 emplois directs et très qualifiés. D’autres entreprises internationales, à l’image de Google, Oracle, Ericsson ou encore Huawei, ont également choisi le parc technologique de Malaga pour y installer des centres de recherche. « Les banques internationales sont confrontées à la nécessité de réduire les coûts de production et de rechercher des salariés moins chers, explique Philippe Thomas, directeur scientifique du mastère spécialisé finance de l’ESCP. Or l’Europe continentale apparaît, et tout particulièrement après le Brexit, comme une alternative bienvenue à la sous-traitance lointaine qui a posé un certain nombre de problèmes. »
Poches de croissance
Dans le cadre de cette initiative, Citi vise ainsi à affecter ces candidats, dont le processus de recrutement est en cours, à des postes où la banque américaine a identifié des poches de croissance : disruption numérique, technologie, convergence santé et bien-être, révolution de la durabilité et transition énergétique. « Ce groupe diversifié sera pleinement impliqué dans les équipes chargées des clients et des transactions, apportant une énergie nouvelle et de l’innovation à l’entreprise, ce qui profitera aux banquiers de nos hubs existants », indique un porte-parole de Citi. Les 30 analystes embauchés à Malaga s’ajouteront à la centaine d’analystes en BFI et marchés de capitaux que la banque américaine recrute chaque année dans la région Europe, Moyen-Orient et Afrique (Emea) dans ses bureaux de Londres, Madrid, Paris, Milan et Francfort.
La rémunération y sera « très compétitive en comparaison des autres options disponibles dans cette géographie, à profils identiques », selon la banque. Comprendre : une rémunération moitié moindre que dans les grands centres financiers mondiaux comme Londres ou New York. « La création de ce hub à Malaga permettra sans doute à Citi de gérer une main-d’œuvre plus à l’aise, mieux traitée mais aussi beaucoup plus enracinée, explique Philippe Thomas. La probabilité que le salarié recruté à Malaga quitte cette ville est d’autant plus faible qu’il existe peu d’interlocuteurs locaux à qui se vendre, ce qui réduit d’emblée les problèmes de turnover. »
Car les banques rencontrent aujourd’hui de plus en plus de difficultés à retenir leurs juniors. « Pour les jeunes générations, la qualité de vie est un facteur important, explique Stéphane Rambosson, associé au sein du cabinet d’executive search Vici Advisory à Londres. Après parfois seulement quelques mois en banque de financement et d’investissement, ils sortent de plus en plus de la banque pour se rendre dans des fonds où l’environnement est plus attractif et les conditions de rémunération assez semblables. » Principaux concernés, certains jeunes diplômés en finance ne ferment pas complètement la porte à la possibilité de s’expatrier dans des géographies exotiques. « L’emplacement n’est pas le seul facteur à considérer, explique Carla Boichon, étudiante en master en finance à l’ESCP Paris. Si l’on peut bénéficier à Malaga des mêmes conditions d’apprentissage et des opportunités que dans les autres grandes places financières, pourquoi pas ? » Pour l’heure, l’étudiante de 22 ans fera son entrée dans une grande banque américaine en fusions-acquisitions en juillet prochain à Londres, un rêve de toujours...
Prise de conscience
L’initiative de Citi survient dans un contexte de recrutement des juniors très complexe. La révolte d’une dizaine d’analystes de première année de Goldman Sachs face à la centaine d’heures travaillées par semaine avait provoqué une prise de conscience durant la pandémie. Les banques ont réagi : chez Goldman Sachs, les salaires des banquiers juniors ont été portés l’an dernier de 85.000 à 110.000 dollars, tandis que les « deuxième année » reçoivent 125.000 dollars. La plupart des autres banques lui ont emboîté le pas. Selon le site Wall Street Oasis, la rémunération moyenne pour un analyste en première année était en mars 2022 de 143.000 dollars. Et la dynamique reste la même à Paris (lire ‘La Parole à...’) comme à Londres, où les écarts de salaires entre les deux capitales se resserrent. « Les banques ont vécu une année exceptionnelle et ont réagi en augmentant considérablement les rémunérations, poursuit Stéphane Rambosson. Nous connaissons actuellement un plus haut qu’il sera difficile de dépasser. »
Pas certain pour autant que les juniors y trouvent leur compte : dans le cadre d’un sondage réalisé en avril par le site Wall Street Oasis sur 485 professionnels de la banque américaine, dont près de trois quarts d’analystes, plus de la moitié (52 %) ont manifesté leur mécontentement face à leur rémunération, et un tiers comptait en moyenne 5 heures de sommeil par nuit cette année. Fait significatif : 75 % déclaraient que leurs heures de travail affectaient leurs relations avec leurs familles ou amis. « L’exemple de Citi va faire des émules, anticipe Philippe Thomas. On peut déjà le constater : on nous avait annoncé des retours à Paris avec de gros volumes, or ce n’est pas le cas. D’autres pays et villes en Europe en ont profité, parmi lesquelles des villes situées en Europe du Sud. »
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