
ING et HSBC France, les deux faces d’un échec

Que serait-il advenu du Crédit Commercial de France s’il était passé sous pavillon hollandais ? En 2000, les Britanniques de HSBC avaient coiffé sur le poteau leurs concurrents d’ING en déboursant 11 milliards d’euros pour planter leur drapeau au siège du CCF, sur les Champs-Elysées. Pour s’attaquer au marché français des particuliers, le groupe néerlandais avait alors dégainé son fameux livret orange, au taux d’intérêt survitaminé : en ce temps-là, on ne parlait pas encore de néobanques ou de fintechs, mais de banque directe, summum de la modernité. Deux géants européens, deux approches qui s’apprêtent à connaître leur triste épilogue dans les mois qui viennent. HSBC paie le fonds Cerberus pour qu’il le débarrasse de son réseau d’agences, ING se dit prêt à baisser le rideau de ses activités de détail dans l’Hexagone.
Officialisées à un jour d’intervalle, ces reculades en disent long sur la perte de valeur des établissements de crédit et la difficulté à percer le coffre-fort français. Le rachat du CCF s’était fait sur la base de 3,5 fois ses fonds propres. Les survaleurs ont depuis cédé la place aux décotes sur actif net, voire aux chèques signés par le vendeur, comme HSBC, et Barclays avant elle, ont dû s’y résoudre en France. Les taux négatifs ont mangé les marges d’intérêt, la pression réglementaire a érodé les commissions, la transformation digitale et les exigences de conformité ont gonflé les coûts, tandis que des acteurs plus modernes et agiles se nichaient dans des activités en plein essor, à l’image des paiements liés au commerce en ligne.
Là où HSBC France s’est affaissée sous son propre poids, minée par un système informatique obsolète, ING a péché par excès de légèreté. La banque en ligne n’a pas su équiper ses clients d’une gamme assez complète pour rentabiliser ses dépôts, puis s’est laissé déborder par la vague d’une concurrence nouvelle. Son échec constitue un sérieux avertissement pour toutes les fintechs qui prétendent aujourd’hui cibler le grand public, le plus difficile des segments. On y voit beaucoup d’appelés, mais il y aura peu d’élus. A fortiori lorsqu’un même acteur conjugue les travers du monde ancien – coûts de l’infrastructure et des réseaux de distribution – et les besoins d’une start-up. Orange Bank, dont le seul nom faisait frissonner ses concurrents à son lancement il y a quatre ans, n’effraie désormais que par le montant de ses pertes.
Ces vingt années auront tout de même fait un relatif vainqueur sur le marché du retail en France : les groupes coopératifs. Alors que les réseaux des banques commerciales rétrécissent, ceux du Crédit Agricole, des Caisses d’Epargne, des Banques Populaires et du Crédit Mutuel grignotent des parts de marché. Ils ont le temps devant eux, et ont décidé de laisser leurs activités de détail hors de l’orbite de la Bourse. Face à un tel pack, parvenir à ressusciter la marque CCF, comme son repreneur l’a promis, relèverait du miracle.
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