
FORMATION - Les banques s’emparent de la réforme

Une « boîte à outils » dans laquelle les banques de la branche AFB (191.600 salariés hors alternants à fin 2019) peuvent puiser directement, sans passer par la case négociation d’entreprise : c’était l’objectif de l’accord sur la formation professionnelle signé il y a un an, en février 2020, par l’Association française des banques (AFB) et ses partenaires sociaux. Qui se sont attelés à une transposition des possibilités offertes par la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. « L’idée était de prévoir tous les cas de figure afin que chaque structure puisse s’approprier l’un ou l’autre des dispositifs selon ses besoins », précise André-Guy Turoche, directeur des affaires sociales de l’AFB.
Et dans un contexte de mutation accélérée, les besoins sont énormes. En 2019, la branche a consacré 4,7 % de sa masse salariale à la formation (la moyenne nationale était de 2,7 % en 2014). Ce qui représente une enveloppe globale de plus de 500 millions d’euros et 5 millions d’heures de formation, dont 1,6 million pour les seules et incontournables formations réglementaires – pas toujours optimisées, selon l’AFB –, devant les parcours métier (1,1 million d’heures) et les formations aux produits et services bancaires (910.000 heures).
Abondement du CPF
« Tous les ans, nous formons la quasi-totalité de nos salariés, rappelle André-Guy Turoche. La moyenne est de 26 heures, mais c’est plus de 36 heures pour les métiers de la relation client, 30 heures pour les métiers du contrôle et de la conformité. »
Dans la branche Crédit Agricole, l’effort de formation est plus conséquent encore (lire ‘La parole à...’). Et les partenaires sociaux (CFDT, Sneca-CFE-CGC et FO) ont également signé, le 1er décembre dernier, un avenant à leur dernier accord formation pour intégrer les nouvelles dispositions de la loi.
Celle-ci a notamment remanié le compte personnel de formation (CPF), monétisé depuis le 1er janvier 2019 et crédité de 500 euros par an pour un temps plein (plafonné à 5.000 euros). Si ce dispositif de financement de formations à visée qualifiante ou certifiante est à l’entière main de son titulaire, il permet néanmoins – avec l’accord exprès de ce dernier – une co-construction et un cofinancement des parcours de formation : le compte peut être directement abondé par l’employeur ou par le biais d’accords collectifs.
Une opportunité intéressante, selon Régis Baccarrère, responsable de projets RH à la Fédération nationale du Crédit Agricole : « Dans l’avenant, nous incitons les caisses régionales à aborder le sujet lors des négociations locales sur la formation professionnelle pour mettre en place une politique d’abondement pour des publics et des formations ciblées. » Telles celles dispensées par l’Ifcam, l’université du groupe Crédit Agricole qui est également organisme certificateur : bachelor conseiller clientèle particuliers, mastère conseiller clientèle professionnels ou agriculteurs, certificat de pilotage de projets SI... « Nous avons développé des titres professionnels éligibles au CPF [donc enregistrés au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au Répertoire spécifique (RS), NDLR], soutient Christian Carata, directeur alternance et diplômant de l’Ifcam. Plus de 6.000 salariés du Crédit Agricole ont préparé un titre Ifcam en 2019 et 30 % à 50 % de ces parcours ont été en partie financés via le CPF des intéressés. »
Analyser le travail
L’avenant intègre également l’« action de formation en situation de travail » (Afest), désormais reconnue comme modalité de formation à part entière et « qui a toute sa place dans l’ambition forte des caisses régionales d’être des entreprises apprenantes ». Mais qui n’est pas si simple à appréhender dans ses différentes étapes : analyse de l’activité de travail en amont, désignation d’un accompagnateur Afest, mise en place de phases dites « réflexives » (qui permettent à l’apprenant d’analyser ce qu’il a fait en situation réelle de travail) et évaluation des acquis. « C’est une démarche qui demande beaucoup de rigueur pour être efficace », convient Christian Carata.
Ayant déjà travaillé à l’élaboration de méthodologies d’analyse du travail avec l’aide de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), le Crédit Agricole avait cependant un temps d’avance. « Nous avons aussi mené des expérimentations préalables avec des caisses pilotes », poursuit Régis Baccarrère. L’occasion d’analyser certaines activités, par exemple, du métier de chargé d’affaires « agri ». Et de mettre en œuvre une Afest en entretien client, sous l’œil d’un accompagnateur. « Nous avons ainsi conçu, avec des caisses pilotes et l’Ifcam, un kit méthodologique afin que les entités qui le souhaitent puissent déployer cette modalité de formation sur des activités qui le permettent », fait savoir Régis Baccarrère. Les fonctions supports devraient également en bénéficier.
Autre nouveauté de la loi qui pourrait beaucoup intéresser les banques : la Pro-A (promotion ou reconversion par l’alternance) – financée en tout ou partie par les Opco (opérateurs de compétences). Ce dispositif pourrait faire l’objet d’un accord ultérieur au sein de la branche Crédit Agricole qui, comme l’AFB, doit d’abord finaliser des études sur les métiers en forte évolution induisant un risque d’obsolescence des compétences et les certifications permettant de repositionner les salariés concernés. Problème : « La Pro-A est restreinte aux niveaux infra Bac +3, alors que 80 % de nos recrutements actuels s’effectuent au niveau Bac+3 et plus, pointe André-Guy Turoche. C’est un sujet que nous allons faire remonter auprès de la ministre du Travail. »
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