
Bercy élargit la définition des clients fragiles des banques

Bruno Le Maire a tenu sa promesse. Annoncé le mois dernier à l’Assemblée nationale, le décret sur la définition des clients fragiles des banques est paru hier au Journal officiel. Signé le 20 juillet par le premier ministre Jean Castex, le texte modifie les critères de détection des personnes vulnérables, éligibles à des tarifs bancaires spécifiques. Le gouvernement espère ainsi couper l’herbe sous le pied de certains parlementaires qui voulaient aller plus loin, en plafonnant tout ou partie des frais bancaires.
Cinq incidents ou irrégularités en un mois
Les nouvelles règles, qui entreront en vigueur le 1er novembre, devraient permettre d’élargir le nombre de clients considérés comme fragiles. «Cela concernera plus de personnes, plus rapidement», estime une source proche de Bercy qui défend un «dispositif équilibré». «Alors que 8 millions de personnes souffrent tous les mois de cascades de frais, le nouveau dispositif ne concernera que 3,8 millions de clients, au maximum», regrette toutefois l’Union nationale des associations familiales, dans un communiqué. La France comptait 3,4 millions de clients fragiles fin 2019, dont 1,4 million bénéficiant du plafonnement des frais d’incidents bancaires, selon l’Observatoire de l’inclusion bancaire de la Banque de France. Les personnes classées «clients fragiles» par les banques ne paient pas plus de 25 euros par mois de commissions en cas de découvert non autorisé, chèques sans provision ou rejets de virement ou prélèvement, depuis les mesures dites «gilets jaunes» appliquées début 2019.
Que dit le nouveau décret ? Au-delà de la constatation d’incidents de paiements répétés pendant trois mois consécutifs, dont l’appréciation était jusque-là laissée aux banques, «l’accumulation de cinq irrégularités ou incidents au cours d’un même mois» ouvrira droit au statut de client fragile, précise le décret. Seront également concernées les personnes surendettées «pendant la durée de leur inscription au fichier» des incidents de paiement de la Banque de France, soit jusqu’à cinq années. Aujourd’hui, seule la période de traitement du dossier de surendettement était prise en compte.
Les revenus, critère discriminant
«Il y a plusieurs manques dans ce décret. Premier oubli : il ne définit pas le terme d’incident de paiement, regrette Matthieu Robin, chargé de mission à l’UFC-Que Choisir. Les banques du Crédit Mutuel Alliance Fédérale indiquent par exemple qu’elle détectent la fragilité financière à partir des seules commissions d’intervention, alors qu’elles devraient prendre en compte à minima les neuf frais d’incidents répertoriés par la Fédération bancaire française, comme les frais d’envoi des courriers pour les comptes débiteurs.» Autre problème, les établissements peuvent continuer d’appliquer des critères de revenus. «Un client ne peut pas être considéré comme fragile, quelle que soit sa situation, s’il gagne plus de 1.220 euros par mois à la Banque Populaire du Nord et plus de 1.900 euros chez BNP Paribas», constate le représentant de l’UFC-Que Choisir.
Seule La Banque Postale, liée par sa mission d’inclusion bancaire, ne discrimine pas les clients fragiles en fonction de leur niveau de vie et considère automatiquement comme fragiles toutes les personnes en dessous du seuil de pauvreté. «Cela va plus loin que le décret car nous nous situons en amont de la survenance des incidents», explique une porte-parole de la banque, qui concentre la moitié des clients fragiles (1,6 million). Pour ses autres clients, la banque publique devra néanmoins appliquer le seuil de cinq incidents dès le premier mois, et non au bout de trois mois comme actuellement.
«Le maintien du critère des ressources disponibles va freiner l’harmonisation des pratiques entre établissements», juge Sandrine Perrois, juriste à la CLCV. L’association de consommateurs, qui souhaite un plafonnement des frais d’incidents pour tous les Français, regrette aussi que les nouveaux critères n’entrent pas en mesure immédiatement «alors que les gens en ont besoin maintenant, pour faire face à la crise». Les méthodologies actuelles sont désormais publiées sur les sites de banques, qui devaient se plier à cette nouvelle obligation avant fin juin.
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