
Banques : les agences de notation recrutent des profils variés

«Depuis deux ou trois ans, nous essayons d’être plus transparents sur la manière dont nous appréhendons les risques ESG (environnement, social, gouvernance, NDLR) et cyber dans notre notation, reconnaît Anais Ozyavuz, 31 ans, analyste bancaire associate chez S&P Global Ratings. Nous avons d’ailleurs publié l’année dernière un critère spécifique ESG afin d’aider le marché et les banques à appréhender un sujet sur lequel elles se posent beaucoup de questions.»
Pour accompagner la montée en compétences de leurs analystes sur ces nouveaux items, les agences investissent dans la formation.
«Ils sont abordés dans le programme suivi par tous les analystes juniors au sein de la Fitch Credit Academy jusqu’à ce qu’ils deviennent experts seniors, confirme Olivia Perney, managing director institutions financières chez Fitch Ratings, qui compte une trentaine d’analystes sur ce périmètre. Nous avons également au sein de notre équipe des spécialistes ayant développé une expertise reconnue dans ces deux domaines, et qui forment régulièrement leurs collègues lors de séminaires.»
Des profils divers
Ce changement de paradigme n’a toutefois pas incité les agences à revoir leur politique de recrutement. S&P Global Ratings reste par exemple très attachée à la diversité des profils au sein de son équipe de 150 analystes bancaires répartis à travers une vingtaine de bureaux dans le monde.
«Chez nous, il y a des diplômés de grandes écoles de commerce et des masters finance ou économie, mais aussi quelques ingénieurs avec un double diplôme et d’anciens Sciences Po, afin d’éviter les biais que l’on retrouve dans les équipes où tout le monde est formaté de la même manière», souligne Emmanuel Volland, responsable de la qualité et de la cohérence des notes du secteur bancaire de S&P Global Ratings.
Cette diversité se retrouve aussi dans les parcours. «Certains de nos analystes ont travaillé pendant dix ou quinze ans dans la banque ou l’assurance, d’autres dans des secteurs adjacents comme les grands cabinets d’audit. Mais nous accueillons aussi des jeunes diplômés en sortie d’école à qui nous offrons l’opportunité de découvrir pendant deux ans plusieurs postes via notre programme graduate», assure Emmanuel Volland.
Lorsqu’elles ont besoin d’attirer une nouvelle compétence sur un marché de l’emploi en tension, les agences de notation ont des arguments à faire valoir. «Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur une marque porteuse qui attire les bons candidats», assure Olivia Perney.
Des entretiens en trois langues
Pour Anais Ozyavuz, le choix de rejoindre une agence de notation s’est imposé comme une évidence. «Après avoir obtenu mon master 2 en économie et développement international à Dauphine en 2014, j’ai envisagé dans un premier temps de me lancer dans un doctorat sur la vulnérabilité des pays émergents en matière de flux de capitaux, confie-t-elle. Mais la complexité du processus a fini par me décourager.» Comme elle souhaitait conserver cette coloration pays émergents, avec une dimension macroéconomique, géopolitique et finance, elle étudie les offres postées par les agences de notation sur le site de Sciences Po.
«Lorsque j’ai vu que S&P Global Ratings recrutait un research assistant pour couvrir les pays de la Méditerranée, de l’Afrique du Nord et du Golfe, j’ai postulé en pensant que mes origines turques et le fait que je parle turc pouvaient jouer en ma faveur.» Pari gagnant car après plusieurs entretiens à Paris et Londres en anglais, en français et en turc, elle décroche finalement le poste.
Sept ans plus tard, Anais Ozyavuz est devenue associate et a vu son périmètre évoluer. «Je couvre désormais une quinzaine de banques au Portugal et en Jordanie, explique-t-elle. Mon travail consiste à effectuer une surveillance permanente des établissements que je suis chargée de noter. Une fois par an, j’anime la réunion avec le top management des banques. Pendant une demi-journée, nous abordons des sujets variés, couvrant aussi bien la stratégie du groupe que son profil de risque ou sa politique de gestion du capital… Nous leur rappelons également la notation actuelle, les perspectives positives, stables ou négatives, et réexpliquons les éléments clés susceptibles de faire évoluer le rating.»
Evolution
Pour exercer ce métier, les compétences techniques en finance, en macroéconomie et en comptabilité sont un prérequis mais elles ne sont pas suffisantes.
«Le travail de l’analyste ne se limite pas à décortiquer les chiffres que l’on nous communique, rappelle Emmanuel Volland. Il faut toujours pousser les investigations plus loin… Ce qui suppose une bonne dose de curiosité, de rigueur et d’intégrité. Il faut également être bon en communication, avoir des opinions et être prêt à les défendre devant le comité de notation et le top management des banques. » La pression fait d’ailleurs partie du job pour Anais Ozyavuz. « C’est vrai qu’entre la charge de travail, les deadlines à respecter et la responsabilité qui nous incombe, mieux vaut ne pas trop être sujet au stress. Mais c’est aussi ce qui fait le charme de ce métier car derrière tous ces enjeux, il y a le sentiment de contribuer au bon fonctionnement des marchés et d’être utile.»
Pour la suite de sa carrière, l’associate de S&P Global Ratings n’envisage d’ailleurs pas de changer de voie.
«Cela fait maintenant trois ans que je suis associate. Le prochain objectif à court terme serait de passer associate director, annonce Anais Ozyavuz. Puis de basculer dans un autre département lorsque j’aurai le sentiment d’avoir fait le tour de la pratique bancaire.
Pour fidéliser leurs analystes, les agences de notation multiplient en effet les propositions d’évolution. «Tout est ouvert, assure Emmanuel Volland. On peut rester dans la pratique bancaire mais en changeant de portefeuille, évoluer dans un autre département, une fonction support comme le marketing ou l’IT, ou une des autres entités du groupe… On peut également demander une mobilité internationale ou se spécialiser dans la réglementation, le cyber risque ou l’ESG…»
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