
Assureurs et gérants peinent à montrer l’impact de leur engagement actionnarial en matière de climat

Difficile encore d’y voir clair dans l’effectivité et l’impact des politiques d’engagement actionnarial (dialogue, droits de vote, désinvestissement) des assureurs et des sociétés de gestion. Ces derniers mettent pourtant souvent en avant cet outil comme le plus efficace pour avoir du poids sur les entreprises et leur décarbonation. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) publient leur deuxième rapport commun sur les engagements climatiques des banques, assureurs et sociétés de gestion après un pré-rapport paru en octobre.
Les assureurs sont visés et sont appelés à clarifier leurs stratégies d’engagement avec les entreprises lorsque celles-ci sont concernées par leur politique d’exclusion. «Les modalités d’action des politiques d’accompagnement relèvent aussi pour l’heure davantage de la communication que d’une politique d’escalade préalablement établie, qui décrirait les différentes étapes et actions correspondantes dans le dialogue avec les contreparties», assènent les régulateurs. Par exemple, seules trois banques sur neuf et six organismes d’assurance sur dix-sept prévoient la possibilité d’une cession des titres en cas de refus répétés d’adoption ou de mise en œuvre d’une stratégie de décarbonation compatible avec un scénario «net zéro».
Peu de mesures d’escalade appliquées
Mais la balle est souvent dans le camp des sociétés de gestion auxquelles les assureurs délèguent la gestion de leur portefeuille actions. Or, le sujet du climat ne constitue pas un axe majeur des pratiques d’engagement des sociétés de gestion, constatent l’ACPR et l’AMF. Le climat représente un tiers du total des actions menées, mais avec des variations très importantes entre les acteurs (de zéro à 200 actions). Le charbon revient le plus souvent dans les démarches climat. La fréquence des échanges avec les entreprises est aussi variable. Sept sociétés de gestion rencontrent les entreprises annuellement, quatre le font semestriellement et une trimestriellement. Six sociétés de gestion le font selon les besoins et priorités du moment.
L’ACPR et l’AMF attendent une plus grande systématisation dans l’application des politiques d’engagement pour que cela ne reste pas à l’état de grands principes et déclarations. Les régulateurs insistent sur l’application de mesures d’escalade en cas d’échec des discussions (dégradation du score ESG de l’émetteur, vote contre les administrateurs, dépôts de résolutions, engagement collectif, exclusion). «Des conditions d’applications de ces politiques d’escalade sont relativement subjectives et ces mesures ne semblent pas être appliquées de manière systématique par toutes les sociétés de gestion», constatent les rapporteurs. Des incohérences apparaissent parfois entre les engagements annoncés et les décisions prises.
Quant aux coalitions d’actionnaires (Climate Action 100+, CDP, PRI, IIGC), elles sont souvent citées par les sociétés de gestion mais peu utilisées dans les faits. «Seuls sept gérants ont effectivement déposé des résolutions conjointes au cours des trois dernières années (2018, 2019 et 2020) avec un nombre de résolutions qui reste très réduit (au plus quatre par an pour une société de gestion)», précise le rapport.
Des agences de vote à contrôler
Les agences de vote par procuration (proxy voting) jouent également un rôle central en alimentant les sociétés de gestion de données et de conseil en vote. Parmi les 20 plus grandes sociétés de gestion de la place de Paris, 18 travaillent avec des prestataires externes. «ISS (Institutional Shareholder Services) est cité dans plus de la moitié des cas, et est parfois le seul prestataire utilisé par le gérant. Il est souvent utilisé en tant que proxy advisor, mais aussi comme fournisseur de données ESG avec d’autres acteurs tels que Trucost, MSCI, CDP, Urgewald et Sustainalytics», indique le rapport. Treize assureurs déclarent également recourir au «proxy».
Dans l’exercice des droits de vote, 15 des 20 gérants étudiés font appel à des agences externes pour l’application de leur politique (données, analyses des résolutions, conseils en vote), généralement ISS, suivi de Proxinvest. Seuls quatre gérants indiquent ne pas le faire. Les gérants fournissent des consignes aux agences mais des erreurs surviennent parfois entre ces deux acteurs. Les régulateurs demandent de «développer et mettre en place des contrôles adaptés sur les relations avec les prestataires externes et les services fournis».
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