
L’actualité fiscale ouvre des opportunités en matière de BSPCE

Le Conseil d’Etat a récemment rendu deux décisions intéressantes permettant aux attributaires de bons de souscription de parts de créateurs d’entreprises (BSCPE) d’inscrire les titres issus de leur exercice sur leur PEA et de faire bénéficier du sursis d’imposition la plus-value de cession de ces titres en cas d’apport.
Les BSPCE avaient déjà les faveurs des dirigeants des start-up car, contrairement aux plans d’attribution d’actions gratuites (AGA) et aux stock-options, ils ne font supporter aucun coût ni fiscal ni social à la société émettrice.
Pour rappel, cet outil d’incitation à l’entrée des dirigeants et salariés des jeunes pousses au capital de leur société[1] consiste à attribuer des bons aux bénéficiaires identifiés, qui peuvent les exercer dans un délai déterminé et à un prix prédéfini à l’issue d’une certaine durée de présence et/ou en fonction de leur performance dans l’entreprise. Ils ont ensuite l’opportunité de revendre les titres issus de l’exercice de leurs BSPCE et de potentiellement dégager une plus-value de cession.
La plus-value de cession, imposée in fine lors de la cession des titres par le bénéficiaire et non lors de l’exercice, inclut en réalité deux plus-values distinctes :
- Le gain d’exercice (ou d’acquisition), égal à la différence entre le prix d’exercice des titres et leur valeur vénale au jour de l’exercice ; et
- Le gain de cession, égal à la différence entre le prix de cession des titres et leur valeur vénale au jour de l’exercice.
Le salarié décide en général de céder ses titres immédiatement après avoir exercé ses bons et il empoche uniquement le gain d’exercice (le gain de cession étant alors nul), pour éviter d’avoir à supporter effectivement le prix d’exercice du bon et pouvoir régler l’impôt.
Si le salarié a au moins trois ans d’ancienneté, alors la plus-value de cession des titres est imposable au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30 %[2] (12,8 % d’impôt sur le revenu (IR) et 17,2 % de prélèvements sociaux (PS))[3], et, s’il y a lieu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) à hauteur de 3 à 4 %[4]. S’il a moins de trois ans d’ancienneté, alors la plus-value de cession des titres est imposable à un taux forfaitaire d’IR de 19 %[5] et aux PS à hauteur de 17,2 % (et à la CEHR le cas échéant).
Les deux récentes décisions du Conseil d’Etat ouvrent aux bénéficiaires de BSPCE l’opportunité de détenir les titres issus de leur exercice plus longtemps.
1. La voie du moyen terme : inscription des titres issus de l’exercice des bons sur un PEA
Dans sa décision du 8 décembre 2023[6], le Conseil d’Etat a introduit la possibilité d’inscrire les titres souscrits en exercice des BSPCE sur un plan d’épargne en actions (PEA), la doctrine administrative qui l’interdisait ayant été annulée[7].
Concrètement, cela signifie que le bénéficiaire des bons doit mobiliser les liquidités présentes sur le compte « espèces » de son PEA[8] afin d’acquérir les titres issus de l’exercice de ses BSPCE[9].
Notons qu’aucune précision n’a été apportée à cette occasion sur le régime fiscal de la future cession des titres concernés ; le titulaire d’un PEA est en effet en principe exonéré d’IR (mais pas des PS) sur les plus-values de cession des titres qui y sont inscrits.
Le gain de cession des titres souscrits en exercice des bons et inscrits sur un PEA est donc exonéré d’IR. Mais quid de l’imposition du gain d’exercice de tels titres, « réalisé » antérieurement à leur inscription sur le PEA ?
Ce gain pourra-t-il bénéficier de l’exonération du PEA ou alors sera-t-il imposable de manière autonome hors du PEA au PFU ? C’est cette dernière solution qui devrait être la plus cohérente au regard de l’interdiction d’inscription des BSPCE sur un PEA. Pour régler cet impôt, le bénéficiaire des bons devra donc disposer des liquidités nécessaires.
Dans cette hypothèse, peut-être serait-il alors opportun que l’administration ou le législateur admette que le bénéficiaire puisse mobiliser les liquidités nécessaires de son PEA, sans que cela n’entraîne les conséquences d’un retrait du PEA…
2. La restructuration long terme : apport des titres à un holding
Les titres issus de BSPCE peuvent être mobilisés dans le cadre d’opérations patrimoniales d’apport-cession.
Jusqu’à la décision du Conseil d’Etat du 5 février 2024[10], l’administration refusait l’application du mécanisme du sursis d’imposition[11] à l’apport de tels titres à une société non-contrôlée par l’apporteur. Un tel sursis aurait en effet été pour cette dernière incompatible avec l’assimilation du gain d’exercice à du salaire.
La plus-value d’apport était donc immédiatement constatée et taxée, sans que l’apport ne dégage la trésorerie nécessaire pour s’acquitter de l’impôt.
Cette doctrine administrative[12] a été annulée par la haute juridiction, qui déduit de l’intention du législateur[13] que les BSPCE doivent être soumis au régime des valeurs mobilières de droit commun, en ce compris la possibilité de bénéficier du sursis d’imposition[14].
Il nous apparaît légitime de considérer que cette solution devrait s’étendre au dispositif de report d’imposition en cas d’apport à une société contrôlée par l’apporteur[15].
Ces récentes évolutions, tout comme celles à venir le cas échéant, devraient rendre les BSPCE d’autant plus attractifs.
L’ancien ministre délégué au numérique, Jean-Noël Barrot, a en effet promis, à l’occasion des dix ans du label French Tech fin 2023, l’instauration d’une « décote d’illiquidité » sur le prix des BSPCE lors de leur exercice, c’est-à-dire la possibilité d’exercer ses BSPCE à un prix inférieur au prix convenu initialement, et le député de la majorité relative Midy a proposé de permettre aux sociétés de moins de trente ans (contre quinze aujourd’hui) d’attribuer des BSPCE, et de taxer au PFU les cessions réalisées par les salariés dont l’ancienneté dans la société est d’au moins un an (au lieu de trois actuellement).
Ces mesures devraient être examinées prochainement dans le cadre de la proposition de loi visant à soutenir l’attractivité des entreprises françaises innovantes.
A lire aussi: Les «management packages» cherchent encore le bon équilibre
[1] Les BSPCE sont issus de l’article 76 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998.
[2] Sauf en cas d’option pour le barème progressif de l’IR.
[3] Article 163 bis G du CGI.
[4] En cas de départ à la retraite du dirigeant, la plus-value de cession de ses titres peut également être exonérée d’IR à hauteur de 500.000 € en vertu de l’article 150-0-D ter du CGI.
[5] Sans possibilité d’option pour le barème progressif de l’IR ni de bénéficier de l’abattement fixe en cas de départ à la retraite du dirigeant.
[6] CE, 8 déc. 2023, n° 482922.
[7] BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20 n° 540 et n° 585 annulée sur le fondement de l’article L. 221-31 du Code Monétaire et Financier.
[8] En veillant à ne pas excéder le plafond de versements de 150 000 € (article L. 221-30 du Code Monétaire et Financier).
[9] L’inscription en PEA de titres « non cotés » est enserrée dans une procédure spécifique de gestion et de conservation qu’il convient de bien appréhender.
[10] CE, 5 févr. 2024, n° 476309.
[11] En cas de « sursis », la plus-value d’apport n’est ni constatée ni imposée l’année de l’apport, elle n’est prise en compte que lors de la cession ultérieure des titres reçus en échange par la différence avec le prix d’acquisition originelle des titres remis à l'échange (article 150-0 B du CGI).
[12] Publiée par voie de rescrit le 25 mai 2023 (BOI-RES-RSA-000127).
[13] Travaux préparatoires des lois de finances pour 1998 et pour 2000.
[14] https://www.agefi.fr/patrimoine/juridique/le-conseil-detat-confirme-le-sursis-dimposition-sur-les-titres-issus-des-bspce.
[15] Article 150-0 B ter du CGI.
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