
Prospérité commune, surveillance partagée

La dernière offensive en date des autorités chinoises contre Alibaba et sa filiale financière Ant, révélée par le Financial Times le 13 septembre, a fait grand bruit. Promise depuis un an à un démantèlement qui ne dit pas son nom, la fintech de Jack Ma se verrait forcée de loger dans une application séparée d’Alipay ses activités de prêts à la consommation.
La mise au pas du conglomérat s’effectue au nom de la stabilité financière et de la lutte contre ces oligopoles qui menacent l’intérêt collectif, à l’heure où le président Xi Jinping ne jure plus que par la « prospérité commune ». Mais la bataille se livre sur un autre terrain. En scindant ses activités de crédit, Ant doit aussi se défaire de sa poule aux œufs d’or, les données de ses utilisateurs et le système de score qui permettent au groupe d’accorder des prêts de petits montants en quelques secondes : le cœur du réacteur sera logé dans une société commune où l’Etat fera la loi. Autre exemple, c’est aussi pour protéger le consommateur que le gouvernement chinois promeut une très intrusive application anti-fraude sur mobile, dont le téléchargement a été rendu obligatoire par plusieurs employeurs du secteur public. Certains de ses utilisateurs ont depuis été sommés de s’expliquer sur leur propension à consulter des sites financiers étrangers.
Ces tours de vis s’ajoutent à celui qui a visé cet été la sphère des cryptomonnaies. Le Parti communiste chinois ne dévie pas de sa ligne. Il entend garder le contrôle absolu sur la monnaie, l’octroi de crédit et la circulation de l’argent, domaines où les autorités pratiquent avec un brio certain la politique du stop-and-go pour gérer les surchauffes et les coups de froid de l’économie. La pierre angulaire de ce plan consiste en la création d’une monnaie digitale de banque centrale, qui donnera à Pékin une vue vertigineuse de toutes les transactions réalisées par sa population.
Les démocraties occidentales ont adopté des positions moins coercitives, mais pas si éloignées de celles de la Chine. Elles ont vite pris la mesure du projet Libra, la monnaie digitale privée de Facebook, qui menaçait les privilèges des Etats et que la firme de Mark Zuckerberg a dû ramener à des proportions plus modestes. Le temps du démantèlement des Big Tech n’est pas encore venu, mais la contrainte réglementaire est appelée à se durcir. Notamment en Europe, où la mainmise des géants américains du cloud, et à travers eux des Etats-Unis, sur les données personnelles de centaines de millions de citoyens est désormais jugée insupportable.
Il reste que les solutions proposées – cloud européen, euro digital –, drapées dans la bannière de la souveraineté, laissent le débat ouvert. Qu’il émane d’une entité publique ou privée, occidentale ou asiatique, tout monopole de la data demeure en soi problématique. La Banque centrale européenne, engagée dans son projet de monnaie numérique, devra présenter au citoyen de solides garde-fous.
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