
Les big tech mettent au défi les régulateurs financiers

La Banque des règlements internationaux (BRI) a dévoilé hier un chapitre spécial de son traditionnel rapport économique annuel qui sera publié le 30 juin. Ce dernier traite des risques et opportunités liés aux big tech dans la finance et des implications sur l’action des pouvoirs publics pour réguler ce marché, à l’heure où Facebook a annoncé le lancement du libra, sa crypto-monnaie. Si les géants technologiques offrent déjà des services financiers basiques (paiement, assurance, crédit), les montants en question sont minimes. Ainsi, même en Chine, qui en compte le plus, le stock de crédit dû aux fintech par tête s’élevait à 3% des crédits du secteur non bancaire en 2017. Le secteur financier ne compte d’ailleurs que pour 11,3% du revenu total de 2018 d’un échantillon des big tech les plus connues.
Le lien entre les activités cœur des big tech et la finance sont toutefois étendus et de taille. Le business model, centré sur l’analyse de données, les externalités de réseau et les activités imbriquées, crée des synergies avec la finance. La quantité de données à disposition de ces géants technologiques fait baisser les coûts d’information et de transaction. Il en résulte, entre autres, des avantages comparatifs divers comme une évaluation plus fine des risques et des coûts de réparation dans les cas de prêts grâce à une connaissance accrue des capacités des emprunteurs. Le rapport souligne aussi la meilleure appréhension des potentiels ouvreurs de compte. Dès lors, les coûts liés à la surveillance et au collatéral sont largement réduits. Les big tech participent en conséquence au renforcement de l’inclusion bancaire et apportent une plus grande efficacité dans les prestations financières.
Une mission du G7
Tous les éléments sont réunis pour voir ces géants technologiques prendre une part grandissante dans le monde de la finance. La BRI se veut toutefois prudente quant aux potentiels gains en soulignant les risques inhérents à ce bouleversement. Grâce à ces moindres coûts et synergies, les big tech pourraient gagner un pouvoir de marché qui menacerait la concurrence. Les données pourraient aussi condamner certains individus à l’exclusion bancaire par un mécanisme de rejet des clients les plus fragiles ou être utilisées à des fins non concurrentielles.
Le principal défi réside alors dans l’évolution de la régulation. Le principe est simple : «même activité, mêmes règles pour tous», répète Hyun Song Shin, conseiller économique et directeur de la recherche au sein de la BRI. «L’attention portée traditionnellement par les autorités de la concurrence sur un seul marché, la taille des entreprises, le prix et la concentration comme des indicateurs de la concurrence ne sont pas les mieux à même à traiter le cas des big tech dans la finance», note l’institution. Une coordination nationale et internationale permettra, par une harmonisation des règles et standards, une régulation capable d’atteindre les objectifs de respect de la concurrence. C’est d’ailleurs dans ce sens que va la demande, formulée par Bruno Le Maire, de faire encadrer par le G7 le libra (future cryptomonnaie de Facebook, ndlr). Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE, a été chargé par le G7 de mener le groupe de travail sur les «stable coins».
Hyun Song Shin confère aussi aux organismes internationaux, notamment au G20, le rôle de lancer ce chantier alors que les principales économies s’inquiètent de la montée en puissance des big techs.
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