
L’autre course de vitesse des fintechs

Trente milliards, c’est le prix d’une belle fintech dédiée aux particuliers en 2021. Revolut, qui n’ambitionne rien moins que de faire disparaître les banques traditionnelles, vaut désormais 33 milliards de dollars grâce à la générosité des capital-investisseurs. Pour deux petits milliards de plus, l’application de courtage Robinhood espère signer à Wall Street l’une des introductions en Bourse les plus attendues de l’année. Les deux sociétés sont pressées, et pour cause.
La première n’a pas encore engrangé la moindre livre sterling de bénéfices, mais vaut aujourd’hui plus que les vénérables Société Générale et Deutsche Bank. Elle ne fait qu’illustrer le théorème de SoftBank, l’hélicoptère à monnaie de la tech : si le Vision Fund frappe à votre porte, prenez l’argent immédiatement sans poser de questions. La seconde, qui a transformé le trading en un divertissement comme les autres et profité au premier trimestre de la bulle des cryptomonnaies, commence à collectionner les sanctions auprès des superviseurs américains. Certains y verront une forme de convergence avec les acteurs de la finance traditionnelle.
L’analogie avec les premières années des Gafa est tentante. Les professionnels de l’investissement paient cher la probabilité que ces entreprises deviennent des leaders mondiaux des services financiers et finissent par évincer leurs concurrents vieillissants. Dans un secteur aussi encadré que la finance, la comparaison se heurte cependant vite aux contraintes réglementaires. Revolut a fait du paiement et des changes le cœur de son activité, en grande partie offerte à ses clients particuliers. C’est grâce au crédit, et la récente crise en a montré toute la nécessité, que ces derniers deviendront captifs et rentables, à moins que l’entreprise ne bascule tout bonnement dans un modèle BtoB comme le néerlandais Adyen. Mais l’intermédiation bancaire est un autre métier, qui requiert des fonds propres, des outils d’analyse du risque, et, peut-être, un directeur financier plus chevronné – celui de la fintech britannique, aussi talentueux soit-il, n’avait aucune expérience de la banque avant son recrutement en janvier à l’âge de 29 ans.
Le respect de la conformité fixe aussi une limite à la croissance échevelée de Robinhood. Son prospectus d’introduction en Bourse regorge de mises en garde à ce sujet. Les gendarmes boursiers américains, Securities and Exchange Commission (SEC) en tête, rêvent de siffler la fin de la récréation face aux excès de toute sorte sur les marchés. L’application de trading conserve pour l’heure sur eux deux avantages : les régulateurs ont toujours un train de retard sur l’innovation, et la responsabilité de la supervision financière aux Etats-Unis est diluée entre une multitude d’institutions. Dans les prochaines semaines, il reviendra donc aux investisseurs en actions de valoriser, ou pas, ce risque réglementaire, et la capacité de Robinhood à le prendre de vitesse.
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