
Vinci fait un pas de géant dans les aéroports

Alors que le processus de privatisation du Groupe ADP, l’opérateur français d’aéroports, en est encore à ses débuts, Vinci Airports prend une position stratégique dans la très convoitée agglomération londonienne : la filiale du groupe de BTP et de concessions français acquiert une participation de 50,01% au capital de Gatwick Airport Limited. Le solde de la participation sera géré par le fonds Global Infrastructure Partners (GIP), qui détenait jusqu’à présent directement 42% du capital de Gatwick. GIP syndiquera cette participation auprès d’investisseurs.
Vinci débourse 2,9 milliards de livres (3,2 milliards d’euros). La valeur d’entreprise totale (100% des fonds propres et dette nette comprise) ressort donc à 8,47 milliards de livres, pour un Ebitda de 411 millions lors de son dernier exercice annuel (clos le 31 mars 2018) – soit un multiple de 20,6.
Une valorisation attrayante
L’opération, entièrement financée par endettement, pourrait réduire les marges de manœuvre de Vinci en cas d’une éventuelle candidature à la privatisation programmée d’ADP, dont le groupe détient déjà 8% du capital. Si les dirigeants ont botté en touche hier concernant leurs intentions à l’égard de l’opérateur aéroportuaire français, ils estiment que l’investissement dans Gatwick étaient une occasion à ne pas manquer. «L’acquisition se fait à une valeur d’entreprise inférieure à 20 fois l’Ebitda prévu pour 2018-19. C’est une valorisation très raisonnable comparée celles des aéroports régionaux français [22,1 fois pour Nice et 21,2 fois pour Lyon, ndlr] et de l’aéroport de London City [30 fois l’Ebitda] ; d’autant plus que Gatwick bénéficie d’un régime de propriété perpétuelle», a souligné Nicolas Notebaert, président de Vinci Airports, en conférence téléphonique. L’acquisition de Gatwick pourrait avoir une autre vertu : faire oublier un éventuel échec dans le dossier ADP…
Les dirigeants rappellent également que la zone de Londres constitue le plus grand marché aéroportuaire mondial. En outre, Gatwick, deuxième aéroport londonien avec 46 millions de passagers par an, présente une forte rentabilité, avec une marge d’Ebitda de 54% en 2017-2018 (à tel point que Vinci compte davantage sur le levier commercial, comme les ventes hors taxe, que sur le levier opérationnel pour créer de la valeur). «Il y a quelques mois, nous n’aurions même pas imaginé pouvoir acquérir une licence illimitée dans le système aéroportuaire londonien à ce multiple», résume Nicolas Notebaert. La propriété perpétuelle d’une infrastructure aéroportuaire n’est pas une généralité, en particulier pour Vinci : des 45 opérateurs qu’il contrôle déjà, seul celui de Belfast, en Irlande du Nord, obéit à ce régime.
Vinci n’attend pas de dégradation de sa note
Quant à l’opportunité de réaliser l’opération alors que se profile le divorce entre l’Union européenne et le Royaume-Uni en mars prochain et que le secteur des compagnies aériennes est bousculé, le président a affiché une certaine confiance. «L’incertitude a permis de réduire la concurrence, donc le prix, pour l’acquisition de Gatwick. Les effets négatifs du Brexit sur l’économie britannique devraient être compensés par une augmentation de la fréquentation touristique grâce à une livre plus faible. Par ailleurs, les créneaux horaires libérés suite aux dernières faillites de compagnies aériennes ont été immédiatement trouvé preneur», explique le président de Vinci Airports, faisant notamment allusion à la disparition de Monarch Airlines en 2017.
Les dirigeants s’affirment également sereins vis-à-vis du risque de dégradation du profil de solvabilité de Vinci, malgré le fait que le groupe (qui affichait une dette nette de 16,7 milliards d’euros au 30 juin 2018) consolidera les 2,67 milliards de livres de dette de Gatwick. «La dette de Gatwick est sanctuarisée, précise Christian Labeyrie, directeur financier du groupe Vinci. Selon nous, notre note [A- chez S&P et A3 chez Moody’s] devrait rester identique : nous disposons de suffisamment de marge de manœuvre».
Par ailleurs, les protagonistes n’ont pas précisé si, outre GIP, d’autres actionnaires minoritaires actuels – essentiellement des fonds de pension – réinvestiraient au capital de Gatwick. Actuellement, Australian Governement Future Funds détient 17,2%, Abu Dhabi Investment Authority 15,9%, Calpers 12,8% et National Pension Service of Korea 12,1%.
A travers cette opération, Vinci confirme de manière indéniable son intérêt pour les aéroports, qu’il avait déjà clamé l’année dernière. En avril dernier, il a fait son entrée aux Etats-Unis.
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