Ventes à perte : la mauvaise affaire pour Carrefour

Les distributeurs ont tous prévenu qu’ils ne vendront pas leurs carburants à perte. Mais tiendront-ils leur parole si le gouvernement va au bout de son projet ?
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Le gouvernement veut autoriser la vente à perte de carburants  -  photo Lade-Michoko/Pixabay

C’est non. Les distributeurs montrent un front uni face à la proposition du gouvernement d’Elisabeth Borne qui souhaite autoriser pour six mois la vente à perte des carburants à partir de décembre. Devant l’Assemblée nationale mercredi, les dirigeants des Mousquetaires (Intermarché), d’E. Leclerc et de Carrefour ont été sans ambiguïté : ils ne vendront pas leur essence en dessous du prix qu’ils la payent. TotalEnergies a aussi exclu un tel scénario, mais sa situation est différente car le pétrolier vend les carburants qu’il produit, ce qui lui avait d’ailleurs permis d’accorder d’importantes ristournes au moment de la crise énergétique en 2022 sans pour autant «vendre à perte».

En optant pour une position commune, les distributeurs espèrent sans doute surtout pousser le gouvernement à renoncer à son projet. De peur de ne plus être aussi «unis» quand la mesure sera mise en place ? Une chose est sûre, une fois la loi votée, les géants de la distribution risquent de se retrouver comme les bagnards du dilemme du prisonnier. Un jeu qui se termine rarement bien car il suffit qu’un seul participant joue sa propre carte pour que tout le monde perde.

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Il est en effet difficile d’imaginer qu’aucun des grands distributeurs ne sera tenté de gagner des parts de marché sur ses concurrents en sacrifiant la rentabilité de ses stations-essence, ne serait-ce que pour quelques mois. Interrogé par la représentation nationale, le PDG de Système U, Dominique Schelcher, s’est déjà montré un peu moins définitif que ses collègues : «Pour des raisons économiques, il ne sera pas possible aux PME du groupe Système U de faire massivement des opérations de ventes à perte». «Des ventes de carburants (légèrement) à perte peuvent être envisageables dans les grandes surfaces, puisque le carburant constitue un produit d’appel (attirer un client dans sa zone de chalandise pour qu’il fasse ses courses dans la grande surface)», estime d’ailleurs Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès, dans une note du 17 septembre.

Boite de Pandore

Il suffirait qu’une seule digue cède pour, potentiellement, emporter toutes les autres. Sans le plancher que représente actuellement le «prix coûtant» sur le carburant, une véritable guerre des prix pourrait alors éclater avec les risques que cela comporte pour l’ensemble du secteur. L’exercice serait alors considéré comme un succès par le gouvernement, ce qui pourrait lui donner de nouvelles idées dans sa lutte contre l’inflation. Pourquoi limiter l’autorisation de la vente à perte aux seuls carburants ?

Le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, a bien vu le danger. Devant l’Assemblée nationale, il a mis en garde : «L’interdiction de la vente à perte est un principe important, il ne faut d’ailleurs pas trop ouvrir cette boite de Pandore, au risque de fragiliser à la fois l’équilibre des filières et de fragiliser l’équité territoriale entre les consommateurs».

Seul groupe coté parmi les grands distributeurs français, Carrefour pourrait pâtir en Bourse de la situation. Le groupe a lancé l’an dernier un plan à horizon 2026 pour redresser la rentabilité de ses hypermarchés en France tout en gagnant des parts de marché et en fidélisant ses clients. L’autorisation des ventes à perte pourrait complexifier un peu plus la résolution de cette équation déjà loin d’être évidente.

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