
Soitec est en panne de visibilité face à l’attentisme des fabricants de smartphones et de voitures

La convalescence de Soitec prend du temps et le marché commence à perdre patience. Le titre a dévissé de 29,7% jeudi après la publication par le spécialiste des matériaux avancés pour l’industrie des semi-conducteurs d’un chiffre d’affaires trimestriel inférieur aux attentes et de perspectives prudentes.
Au passage, la chute du titre de ce jeudi est la troisième plus importante de l’histoire boursière de Soitec, après les séances du 22 décembre 2014 (-54,5%) et du 22 octobre 2002 (-44,81%) selon les données de FactSet.
Pour l’ensemble de l’exercice en cours, Soitec prévoit désormais une baisse de son chiffre d’affaires «élevée à un chiffre» à taux de change constants, soit un recul compris entre 5% et 10%, alors qu’il visait encore en novembre un chiffre d’affaires stable sur douze mois.
Mais ce sont surtout ses perspectives pour l’exercice qui débutera le 1er avril (2025-2026) qui ont refroidi les investisseurs.
«Compte tenu du manque de visibilité actuelle sur nos marchés finaux, il est encore trop tôt pour communiquer des objectifs financiers spécifiques pour l’exercice fiscal 2026. En raison des conditions de marchés actuelles, nous prévoyons une croissance relativement limitée sur l’exercice fiscal 2026», a indiqué le directeur général de Soitec, Pierre Barnabé.
Les analystes anticipaient jusqu’ici un rebond de 18% des ventes de Soitec en 2025-2026, selon un consensus établi par Factset.
«Nous sommes surpris par l’ampleur du profit warning pour l’exercice 2024-2025 et par la faible croissance du chiffre d’affaires attendue pour 2025-2026», commentent les analystes d’Oddo BHF. L’intermédiaire a abaissé ses prévisions de bénéfice par action de respectivement 19% et 33% pour ces deux exercices et a retiré le titre de sa liste de valeurs moyennes préférées.
Au cours d’une conférence téléphonique avec des analystes, Pierre Barnabé a insisté sur la prudence des clients finaux du groupe, en particulier dans le secteur de l'électronique grand public et de l’automobile, qui représentent à eux deux plus de 70% de son activité.
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Déstockage chez les fabricants de téléphones
Le groupe a notamment été pénalisé au troisième trimestre par la suspension de deux commandes, l’une destinée au secteur automobile et l’autre pour la division «Edge & Cloud AI» qui recouvre à la fois les puces pour centres de données et celles utilisées dans les objets connectés.
Ce ne sont pourtant pas les opportunités qui manquent sur ces marchés, avec l’essor des applications d’intelligence artificielle (IA).
«Nos produits de photonique équiperont la plupart des centres de données IA car ces derniers ont besoin de puces à la fois plus puissantes et plus économes en énergie», a souligné Steve Babureck, le directeur des relations investisseurs de Soitec, au cours d’un entretien avec l’agence Agefi-Dow Jones. D’autres technologies phares du groupe, comme le FD-SOI, bénéficieront également de l’essor de l’IA dans les objets connectés.
La demande pour ces nouvelles applications ne permet cependant pas de compenser le ralentissement du principal marché du groupe, celui des produits de radiofréquence pour smartphones. «L’après-Covid a créé une demande artificielle, avec la constitution par les fabricants de téléphones de stocks de composants qui sont en train de se résorber», note Steve Babureck.
L’industrie continue aujourd’hui à écouler ces stocks, ce qui pèse sur les nouvelles commandes adressées aux fournisseurs comme Soitec. Le groupe estime que ce phénomène de déstockage pourrait encore peser sur les ventes au cours des prochains trimestres.
A lire aussi: Le marché sanctionne lourdement les perspectives de STMicroelectronics et son manque de visibilité
Le virage chinois de l’automobile
L’autre source d’incertitude à court terme pour Soitec provient du marché automobile. Le ralentissement des ventes de véhicules électriques et les délais de «qualification» des clients potentiels du groupe dans ce secteur ont fait chuter ses ventes au troisième trimestre.
«Les constructeurs chinois ont gagné des parts de marché depuis deux ans. Cela a pénalisé certains de nos clients fortement exposés aux constructeurs américains et européens», indique Steve Babureck. Grâce à sa technologie de substrats à base de carbure de silicium (SmartSiC) dédiée aux véhicules électriques, Soitec veut séduire ces nouveaux acteurs. «Si l’on prend l’exemple de SmartSiC, nous avons aujourd’hui une trentaine de prospects dont certains sont chinois», indique le responsable.
A moyen terme, le groupe reste confiant dans le redressement de ses principaux marchés, soutenu par des «mégatendances» telles que l’expansion de la 5G en matière de téléphonie, la digitalisation et l'électrification du secteur automobile ainsi que l’augmentation des capacités de puissance de calcul pour l’intelligence artificielle. Les investisseurs, eux, retiennent plutôt la faible dynamique des ventes depuis deux ans et le manque de visibilité à court terme. Après sa chute de jeudi, le titre évolue à son plus bas niveau en cinq ans.
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