
Orange et Masmovil testent la politique antitrust de Bruxelles dans les télécoms

Orange et Masmovil ont franchi le pas. Afin d’alléger la pression concurrentielle sur le marché espagnol des télécoms, les deux opérateurs ont annoncé mardi l’ouverture de négociations exclusives en vue de rapprocher leurs activités outre-Pyrénées. Ils projettent de créer une coentreprise, détenue à parité, dont le chiffre d’affaires annuel dépasserait 7,5 milliards d’euros, assorti d’une marge brute d’exploitation retraitée proche de 29,5% en données pro forma. «Notre projet d’accord s’appuie sur une coopération fructueuse déjà existante, visant à créer un acteur plus important disposant des ressources nécessaires pour réaliser les investissements requis au développement du marché espagnol», a déclaré le PDG d’Orange, Stéphane Richard, qui doit céder la direction générale du groupe à Christel Heydemann le 4 avril.
La valeur d’entreprise de la nouvelle entité s’élèverait à 19,6 milliards d’euros, dont 8,1 milliards pour les activités locales d’Orange et 11,5 milliards pour Masmovil qui s’est hissé au rang de quatrième opérateur espagnol grâce à la croissance externe. Si Orange est libre de toute dette en Espagne, «celle de Masmovil atteint 6,5 milliards d’euros», constatent les analystes de JPMorgan, en estimant que l’opérateur espagnol, contrôlé par les groupes de capital-investissement KKR, Cinven et Providence, «devrait effectuer un paiement de compensation en numéraire de 1,5 milliard d’euros à Orange». Les synergies de plus de 450 millions d’euros par an prévues à partir de la troisième année suivant la réalisation de l’opération sont inférieures au montant de 585 millions d’euros calculé par ces analystes.
Finalisation attendue au deuxième trimestre 2023
En cas de succès de ce rapprochement, Orange, qui prévoit de déconsolider la coentreprise de son bilan, disposera d’une option pour prendre le contrôle de la future entité si elle est introduite en Bourse. «Nous comprenons que ceci permettrait à Orange d’acquérir une participation supplémentaire de 1% du capital au prix de l’IPO», avancent les analystes de Jefferies. «La transaction devrait être signée d’ici le deuxième trimestre de 2022 et finalisée d’ici le deuxième trimestre 2023, sous réserve notamment de l’approbation des autorités compétentes en matière administrative, réglementaire et de concurrence», soulignent les deux entreprises dans leur communiqué commun.
La partie est cependant loin d’être gagnée. «Compte tenu de la taille de l’opération et de la présence d’Orange sur plusieurs marchés, ce dossier sera selon toute vraisemblance géré par la Commission européenne et non par l’autorité espagnole de la concurrence», explique à L’Agefi Jacques de Greling, directeur chez Scope Ratings. «Un temps pressenti pour engager la consolidation du marché espagnol, Vodafonene s’y est pas risqué, ce qui témoigne d’une analyse sans doute moins optimiste que celle d’Orange sur la position de Bruxelles», ajoute celui-ci. Aucun nouvel entrant n’étant en vue en Espagne, le marché passerait ainsi de quatre à trois opérateurs nationaux détenteurs d’un réseau à l’issue de ce rapprochement. «Le droit européen stipule qu’une autorité antitrust ne doit pas statuer par rapport au nombre d’opérateurs présents sur un marché donné mais en fonction de l’impact du projet de concentration sur ce marché», précise le responsable de Scope Ratings.
Renforcement des capacités de DiGi
Selon Citigroup, «la nouvelle société deviendrait le plus grand opérateur du marché espagnol, avec une part de marché combinée d’environ 40% dans les services mobiles post-payés et d’environ 43% dans les services fixes». Elle dépasserait ainsi l’opérateur historiqueTelefonica qui tirerait néanmoins parti de la concentration de son marché domestique. Pour les analystes de JPMorgan, «même si l’opération est approuvée par Bruxelles, les importants remèdes exigés se traduiront par un renforcement des capacités opérationnelles de DiGi », un opérateur virtuel présent dans l’ensemble des régions espagnoles. Les services de la concurrence de la Commission européenne pourraient ainsi contraindre la coentreprise Orange-Masmovil à céder une partie de son large spectre de fréquences (439 mégahertz au total) à DiGi pour faire de ce dernier un véritable opérateur de réseau mobile.
«Le seul cas de consolidation nationale accepté par la Commission européenne concerne la fusion en 2019 des activités de Tele2 et de T-Mobile aux Pays-Bas, mais celles-ci dégageaient des pertes structurelles, ce qui n’est pas le cas d’Orange ni de Masmovil en Espagne», rappelle Jacques de Greling. En fonction du verdict de Bruxelles, d’autres marchés nationaux pourraient chercher à se consolider, comme l’Italie, où Vodafone vient de rejeter une approche d’Iliad.
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