
L’ire des «gilets jaunes», cadet des nombreux soucis des distributeurs cotés

Les gilets sont jaunes, mais les distributeurs voient rouge. Même si elle perd en intensité depuis son lancement le 17 novembre dernier, la mobilisation des «gilets jaunes» a fortement perturbé l’activité des groupes de distribution en France, en pleine saison des achats de Noël. Les blocages, les manifestations ou les dégradations causés par ce mouvement pourraient avoir occasionné un manque à gagner de plus de 700 millions d’euros pour les supermarchés et hypermarchés français, selon les calculs de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). La facture monterait même à 2 milliards d’euros pour l’ensemble des acteurs du commerce de détail.
Les investisseurs en ont pris note, comme en témoignent les ventes massives d’actions Carrefour, Casino, Fnac Darty et Maisons du Monde intervenues ces dernières semaines. L’agrégat composé de ces quatre distributeurs cotés à la Bourse de Paris et membres de l’indice SBF 120 s’affaisse de 19,6% depuis le 17 novembre dernier, soit une chute deux fois plus importante que celle du CAC 40 constatée sur la même période (-10,6%).
Cette réaction épidermique doit être relativisée. Il est difficile d’estimer à ce jour avec précision l’ampleur de l’impact final qu’aura le mouvement des «gilets jaunes» sur les résultats du quatrième trimestre 2018 de ces distributeurs. Nul ne connaissant exactement le nombre de magasins affectés pour chaque enseigne, ni le potentiel de report des achats de Noël sur la fin de décembre ou vers d’autres canaux de distribution tel internet. Et encore moins quand ces perturbations prendront fin.
Des consensus d’activité abaissés
Quoi qu’il en soit, les analystes n’ont pas attendu l'émergence de ce «risque Gglets jaunes» pour réduire leurs prévisions de chiffre d’affaires pour l’exercice en cours des quatre distributeurs du SBF 120. Ils n’ont cessé d’abaisser leurs anticipations depuis janvier, de façon linéaire, le ralentissement de la consommation des ménages ayant occulté le redressement des performances commerciales de Carrefour et la bonne tenue des ventes de Casino.
«De toute façon, on ne s’acheminait pas vers une campagne de Noël reluisante. Les sondages réalisés avant les manifestations des ‘gilets jaunes’ indiquaient que les budgets des Français pour les fêtes étaient en baisse», commente Christian Guyot, analyste chez Invest Securities. «Au 15 décembre, la performance des hypermarchés est négative, mais il peut y avoir des effets de compensation sur la deuxième partie du mois. Pour la distribution spécialisée, ce qui a été perdu a peu de chances d'être rattrapé», précise-t-il.
Clément Genelot, chez Bryan Garnier, a tenté une analyse plus fine de l’impact du mouvement sur chaque enseigne. Dans la distribution à dominante alimentaire, il estime que Carrefour sera l’acteur le plus touché du fait de sa forte exposition au format de l’hypermarché, qui représente plus de 50% de son chiffre d’affaires en France. Le groupe dirigé par Alexandre Bompard devrait avoir subi un manque à gagner de 149 millions d’euros dans ses moyennes et grandes surfaces de l’Hexagone au cours du quatrième trimestre 2018, selon Bryan Garnier. Mais ce montant représente à peine 1,4% des facturations attendues en moyenne par le consensus Factset des analystes, pour les périmètre et période correspondants.
L’addition sera sûrement moins lourde pour Casino, relativement préservé par son réseau tourné vers les supermarchés urbains et les magasins de proximité. Mais le distributeur stéphanois devrait tout de même perdre au quatrième trimestre pour 32 millions d’euros de revenus dans ses supermarchés et hypermarchés français des suites du mouvement social, d’après Bryan Garnier. Pour autant, Casino a confirmé vendredi l’ensemble de ses objectifs financiers pour l’exercice 2018.
Les magasins périurbains plus affectés
Dans la distribution spécialisée, Maisons du Monde et Fnac Darty sont surtout pénalisés du fait de leurs emplacements, souvent situés dans les zones commerciales périurbaines, cibles des blocages des manifestants. Bryan Garnier prévoit que leurs chiffres d’affaires du quatrième trimestre seront respectivement amputés de 2,3 et 17 millions d’euros.
Autant dire que l’impact du mouvement sera bien réel mais limité pour ces quatre acteurs présents sur la cote parisienne. Les gilets jaunes ne seront qu’une difficulté de plus pour des entreprises évoluant sur un secteur en évolution perpétuelle. Pour 2019 et après, les distributeurs traditionnels devront continuer à s’adapter à l'évolution des modes de consommation et à la métamorphose de la concurrence.
«Même si l’impact des gilets jaunes se fera sentir essentiellement sur les résultats 2018, le mouvement a probablement accéléré la montée en puissance des ventes en ligne, ce qui du point de vue du risque de crédit est négatif pour de nombreux distributeurs», note Vincent Gusdorf, analyste sectoriel chez Moody’s. Sauf pour un certain Amazon bien évidemment.
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