
L’intérêt de Tencent fait bondir Ubisoft en Bourse

De quoi réveiller l’intérêt les marchés, en pleine torpeur estivale ! En quelques minutes, jeudi, vers midi, l’action Ubisoft s’est brusquement envolée de plus de 20%, dépassant brièvement le cap des 50 euros. La cause ? La publication d’informations de l’agence Reuters, selon laquelle le groupe chinois Tencent souhaiterait accroître sa participation au capital de l'éditeur français de jeux vidéo. Tencent avait acquis une participation de 5% au capital de l'éditeur de jeux vidéo en 2018, mais pointe désormais en dessous de ce seuil de détention. Il aurait approché la famille Guillemot, fondatrice du groupe français. Contacté par L’Agefi Dow Jones, un porte-parole d’Ubisoft n’a pas commenté.
Le niveau de participation visé par Tencent n’est pas précisé. Mais le groupe chinois pourrait offrir, selon Reuters, jusqu'à 100 euros par action. Ce qui représenterait une plus-value de taille, alors qu’Ubisoft cotait, la veille, ce mercredi, environ 42 euros par action. Jeudi, le titre clôturait en hausse de 11% à 46,69 euros l’action, soit une valorisation de 5,86 milliards d’euros.
Pour monter au capital du groupe tricolore, Tencent souhaite racheter une partie de la participation de 15,4% de la famille Guillemot, ainsi que des titres auprès des autres actionnaires, indique aussi l’agence de presse. Il deviendrait le principal actionnaire d’Ubisoft en cas de succès. Selon des données publiées sur le site d’Euronext, et datées du 25 juillet dernier, le flottant du capital d’Ubisoft atteint environ 80%. Outre la famille Guillemot, Capital Group Compagnies figure parmi les principaux actionnaires (4,96% des parts), suivi par Baillie Gifford (4,77%), BlackRock (4,68%), JPMorgan Chase (3,39%), et le groupe Crédit Agricole (2,87%), selon les données compilées par Bloomberg.
Proie potentielle
Le prix proposé par Tencent ne surprend pas les analystes. Qui estiment qu’Ubisoft est devenue une proie potentielle ces derniers mois, plus encore depuis qu’un géant des logiciels, Microsoft, a annoncé en janvier le projet d’acquisition d’un autre mastodonte de l’industrie du jeu vidéo, l’éditeur américain Activision Blizzard, pour lequel il débourserait 68,7 milliards de dollars (59,5 milliards d’euros au cours de janvier) en numéraire.
« Pour nous, Ubisoft est la prochaine proie logique sur un secteur qui se concentre. C’est un des derniers éditeurs disponibles sur le marché après Activision Blizzard. Et Ubisoft développe la majorité des jeux qu’il commercialise, il a un des catalogues les plus riches du secteur », précise à L’Agefi Charles-Louis Planade, analyste financier jeux vidéo chez Midcap Partners. Midcap maintient ainsi, pour l'éditeur français, un objectif de cours de 120 euros par action, et une recommandation à « achat fort ».
Parmi ses atouts, Ubisoft, qui compte 20.665 salariés dans le monde, revendique plus de 45 studios de développement de jeux vidéo dans 30 pays. Il a su créer des blockbusters, souvent déclinés en franchises durables, tels Assassin’s Creeds et Les Lapins Crétins.
Si l’offre de Tencent se matérialise, les analystes s’attendent à des contre-offres de la part de plateformes telles que Google, Amazon, Disney et Netflix. L'évocation du géant du streaming ne surprend pas. Netflix cherche « de nouveaux relais de croissance qui pourraient lui donner un nouveau souffle », poursuit Charles-Louis Planade. Netflix ne se cache plus vouloir se diversifier dans les jeux vidéo. Il doit rassurer les investisseurs, alors qu’il a annoncé au début d’année ses premières pertes d’abonnés.
L’attitude de la famille Guillemot sera la clé. Elle ne serait plus forcément rétive à revendre ses parts, quelques années après avoir résisté aux assauts de Vincent Bolloré. Entré progressivement au capital d’Ubisoft en octobre 2015, Vivendi avait tenté pendant deux ans et demi de coopérer avec l’entreprise dirigée par Yves Guillemot, avant de se résoudre in fine à revendre en mars 2019 les 5,87% que le groupe de médias conservait au capital.
Manque de successeur
D’autant qu’il n’y a pas de successeur désigné pour prendre la tête d’Ubisoft. « Si la bonne offre arrive, c’est une question de prix. La vente de la société semble être la fin logique, alors qu’il n’y a personne d’identifié chez les Guillemot pour prendre la tête du groupe », assure Charles-Louis Planade. Le groupe a été confronté à une importante vague de départs suite à la publication d’une enquête, en juillet 2020, sur des pratiques de harcèlement et de discrimination en interne. Avec le départ de plusieurs cadres de haut niveau, comme son numéro deux, le créatif Serge Hascoët. Entré chez Ubisoft en 1988, deux ans après la création du groupe, il était un des successeurs potentiels.
Tencent, de son côté, se verrait bien poursuivre ses acquisitions dans l’univers de l’entertainment en Occident. Il possède déjà au moins 5% du capital du studio hollywoodien Skydance Media depuis janvier 2017, et surtout, depuis 2020, 20% du capital de Universal Music Group (UMG), l’ex-joyau de l’empire Vivendi.
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