
- ESG
- Tribune
Les normes de reporting durables allègent la tâche des entreprises

La Directive (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022 dite CSRD impose aux entreprises assujetties de publier un reporting de durabilité portant sur les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance auxquels elles sont exposées, ainsi que sur les incidences de leurs activités sur les personnes et l’environnement.
Toutefois, les normes de durabilité (ESRS) que les entreprises doivent utiliser pour appliquer cette directive manquaient encore à l’appel. C’est désormais chose réparée depuis la publication du projet des ESRS par la Commission européenne le 31 juillet 2023 dans un règlement délégué.
Quel regard peut-on porter à ce stade sur les normes ESRS ?
Assouplissement par rapport au projet initial
La Commission a apporté dans son règlement délégué un certain nombre de modifications par rapport aux normes soumises à consultation pour garantir que les normes seront proportionnées en adoptant une démarche pragmatique permettant la réalisation des nouvelles obligations par les entreprises tout en assurant la réalisation de ses objectifs liés à la durabilité.
Les ESRS n’exigent pas que les entreprises publient des informations sur chaque norme. Elles effectueront une évaluation robuste de la matérialité de toutes les normes à travers le principe de double matérialité : l’impact de l’environnement économique, social et naturel sur l’entreprise, mais aussi celui de l’entreprise sur son environnement. L’entreprise pourra donc omettre de mentionner certaines informations jugées non «matérielles» (de grande importance, ndlr) pour son modèle et son activité économique.
A lire aussi: Le CAC 40 accentue ses engagements en matière de RSE
En pratique, cela implique qu’une entreprise concluant que le changement climatique n’est pas un sujet «matériel» ne devra fournir qu’une explication détaillée des conclusions de son évaluation de la matérialité.
Les entreprises ne sont toutefois pas exemptes de tout contrôle, le processus d'évaluation de la «matérialité» étant soumis à une vérification externe.
La Commission a également offert aux entreprises plus de flexibilité en rendant facultative la publication de certaines données, telles que le reporting d’un plan de transition pour la biodiversité et certains indicateurs sur les travailleurs intérimaires dans le personnel de l’entreprise, afin de leur éviter des surcoûts liés au reporting d’informations.
En tout état de cause, le garde-fou du risque réputationnel sera gage de transparence dans le reporting.
Une mise en œuvre progressive
Afin d’aider les entreprises à appliquer au mieux les ESRS, une entrée en application progressive a été prévue. Celles-ci pourront en effet omettre certaines informations pour une durée de un à trois ans (comme les incidences financières qu’a le climat sur l’entreprise, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la protection sociale).
En outre, en France, les entreprises qui seront confrontées aux normes ESRS dès l’exercice 2024 devraient pouvoir s’adapter, ayant déjà été confrontées à un exercice relativement proche avec la déclaration de performance extra-financière. Pour celles qui y seront soumises les années suivantes, elles bénéficieront d’un retour d’expérience.
La taxonomie comme pivot
L’un des objectifs des ESRS est de permettre aux entreprises de remplir leurs obligations de reporting exigées par la CSRD. Mais au-delà de ces obligations en qualité de sociétés, ces normes vont aussi permettre à certains acteurs des marchés financiers de réaliser, au moins pour partie quand les entreprises assujetties les publieront, leurs propres obligations de reporting et d’information dans le cadre de l’émission de titres financiers, de la conception de produits financiers, de la commercialisation de tels produits, de l’indexation de leurs produits sur des indices durables, etc.
En effet, tous les textes réglementaires ayant une vertu durable sont tous « reliés » au règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 dit Taxonomie. Cette concentration des règlementations vers la taxonomie environnementale assure donc une harmonisation du cadre européen de la finance durable. A tout le moins sur le papier !
Dans la pratique, du fait du caractère non-contraignant de certaines ESRS via le test de matérialité, cet objectif pourrait ne pas pouvoir être rempli, et ce au détriment de l’investisseur final qui ne bénéficiera pas toujours de toute l’information liée à durabilité de l’émetteur du produit financier. Il est prévu que des clarifications soient fournies sur ce point.
Alignement international
La Commission a œuvré pour assurer un très haut niveau d’alignement à l’international avec les normes de l’ISSB (International Sustainability Standards Board).
Ainsi, les entreprises qui sont tenues de rendre compte conformément aux ESRS sur le changement climatique fourniront dans une très large mesure les mêmes informations que les entreprises qui utiliseront la norme de l’ISSB.
Les ESRS iront toutefois plus loin dans l’exercice, compte tenu du principe de double matérialité. En outre, les ESRS contiennent des normes thématiques couvrant l’ensemble des questions environnementales, mais aussi sociales et de gouvernance contrairement aux normes ISSB qui se concentrent sur le climat.
A lire aussi: CNP Assurances veut conforter sa position de chef de file d'investisseur durable
Plus d'articles du même thème
-
Le monde devient inassurable et le capitalisme va s'effondrer, alerte un dirigeant d'Allianz
Dans un post LinkedIn, Günther Thallinger, membre du comité de direction d'Allianz, s'alarme du réchauffement climatique rendant inopérant l'assurance, base du système financier. -
Le nouveau dilemme européen du déploiement de Bâle 3
Sans parler de retour en arrière ou de dérégulation, l’Europe semble désormais consciente d’être allée plus vite et plus loin que les autres juridictions en matière de règlementation bancaire. L’optimisation des règles qui restent encore à produire dans le cadre de la transposition du dernier paquet bancaire de Bâle 3 et de la mise en œuvre de la FRTB cristallise l’attention du secteur. -
Thomas Verdin (BM&A Reg Tech) : «L’application des règles de Bâle a un coût opérationnel important»
La finalisation des règles de Bâle obligera les banques, qui étaient habilitées à n’utiliser que des méthodes internes de mesure des risques, à comparer ces résultats avec une méthode dite standard, à partir de données externes. Thomas Verdin, directeur associé de BM&A Reg Tech, explique simplement quelles sont les implications opérationnelles de ces changements.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions