
Les industriels «pivotent» à l’heure du coronavirus
Alors que l’épidémie de coronavirus se répand, dans l’urgence plusieurs industries ont mis à disposition leurs lignes de production et leurs ingénieurs pour fournir des matériels de première nécessité aux personnels soignants. Et faire «pivoter» leur activité, pour produire gels hydroalcooliques, masques et blouses de protection, et surtout des respirateurs artificiels. Le nerf de la guerre : indispensables pour ventiler les patients en réanimation, ces derniers font cruellement défaut dans les hôpitaux.
Consortium industriel
En quelques jours, les initiatives se sont multipliées, et structurées. Avec pour point d’orgue l’annonce mardi midi, par Emmanuel Macron, de la création d’un consortium mené par Air Liquide, avec PSA, Valeo, et Schneider Electric. «10.000 respirateurs seront produits d’ici mi-mai», a indiqué le président de la République, en visite dans l’entreprise Kolmi-Hopen, à Saint-Barthélemy-d’Anjou (49). Pour financer l’ensemble, «l’agence Santé publique France va quant à elle bénéficier d’une enveloppe de 4 milliards d’euros afin de financer les commandes» en médicaments, respirateurs et masques, a précisé le président. Une centaine de sous-traitants assureront «la fourniture de 300 composants essentiels», selon un communiqué. L’un d’entre eux, le groupe électronique Eolane, qui avait fermé son usine le 17 mars, a ainsi dû la rouvrir.
Dans ce projet, Schneider Electric fournira du matériel permettant la reconfiguration des lignes de production de PSA. Valeo va notamment constituer une équipe d’acheteurs dédiés «en charge de la gestion des fournisseurs et de l’approvisionnement des pièces nécessaires à la production des respirateurs», a expliqué l'équipementier. Le groupe mettra également à disposition des ingénieurs spécialisés dans la production industrielle à grande échelle.
Déjà avant cette annonce, Air Liquide, seul industriel français à fabriquer des respirateurs, avait dopé ses capacités de production, notamment sur son site d’Antony (Hauts-de-Seine), qui fabrique des ventilateurs de réanimation, destinés aux hôpitaux. L’entreprise en fournira 1.100 en avril, contre 500 le mois précédent. «Nous avons doublé nos capacités de production en mars, nous les triplerons en avril et quadruplerons en mai», indique Air Liquide, pour lequel «l’enjeu est de réussir à augmenter les capacités de production, en respectant les normes sanitaires».
Projet «Makers for life» avec Renault
Le groupe automobile Renault compte lui aussi fabriquer des respirateurs. Il a rejoint le projet «Makers for life», avec STMicroelectronics, Michelin, et le CEA. «STMicroelectronics a par exemple aidé sur les cartes électroniques. Nous aidons sur la partie industrialisation, avec l’approvisionnement des pièces, grâce à nos acheteurs, nos logisticiens», indiquait lundi sur France Info Eric Marchiol, le directeur en charge de l’industrialisation au sein de l’Alliance, qui chapeaute le projet «Usine du futur» chez Renault.
La marque au losange compte aussi fabriquer des respirateurs grâce à des imprimantes 3D, qu’il utilise aussi pour fabriquer des «masques visières» en plastique transparent. Il pourrait recourir à son Technocentre de Guyancourt (Yvelines) pour monter rapidement cette ligne de production inédite. Dès cette semaine, il compte produire 500 respirateurs, avant d’augmenter le rythme de production.
Il avait déjà testé ce procédé d’impression 3D en Espagne la semaine dernière, pour produire des visières de protection pour les soignants.
Et on ne compte plus les initiatives des PME, face à la pénurie de masques de protection. Ces derniers jours, plus de 300 TPE et PME de l’industrie textile se sont mobilisées, produisant plus de 500.000 masques au total chaque jour. Telle l’entreprise bretonne de textile ArmorLux, qui change sa chaîne de production pour entreprendre désormais la fabrication de 16.000 masques chirurgicaux par semaine. L’entreprise Kolmi-Hopen (groupe Medicom), 102 salariés, qu’a visitée Emmanuel Macron mardi, basée dans l’agglomération d’Angers (Maine-et-Loire), est un des quatre producteurs français spécialisés dans la production de de masques chirurgicaux et FFP2. Ses machines tournent 7 jours sur 7, et elle indique sur son site produire «un million de masques par jour, un volume deux fois plus élevé que d’habitude.»
LVMH et Chanel mobilisés
Dans cette mobilisation hors norme, la première à dégainer fut l’industrie du luxe. Dès le 16 mars, le groupe LVMH annonçait convertir ses unités de production de parfums situées en France, afin de produire, à ses frais, du gel hydroalcoolique en grande quantité, pour des hôpitaux. «L’arrêté ministériel du 13 mars autorisait les marques cosmétiques à produire des gels hydroalcooliques. La pharmacie centrale de l’AP-HP a approuvé la formule, puis nous avons lancé la production», précise à L’Agefi un porte-parole. Si la maison mère de Louis Vuitton et de Christian Dior ne précise pas son budget, elle avait déjà en stocks la matière première, de l’eau oxygénée, de l’alcool, et de la glycérine. Elle a atteint une production de 50 à 80 tonnes par semaine. Le groupe cosmétique L’Oréal a aussi mobilisé sa marque La Roche-Posay pour fournir les hôpitaux en gel hydroalcoolique.
Le 23 mars, le groupe Kering a suivi le mouvement en mobilisant les usines françaises des maisons Yves Saint Laurent et Balenciaga dans la fabrication de masques de protection. Dimanche, le groupe Chanel a annoncé à son tour qu’il allait lancer la production de masques et de blouses sanitaires.
Plus d'articles du même thème
-
Siemens renforce sa présence dans les logiciels industriels
L’acquisition de l’américain Dotmatics pour 5,1 milliards de dollars sera principalement financée par une baisse de sa participation dans ses filiales cotées en Bourse. -
Les fabricants européens et américains accélèrent leurs stratégies de relocalisation
Près des trois quarts des investissements totaux dans de nouvelles capacités de production seront réalisés, au cours des trois prochaines années, dans le pays d'origine ou dans un pays proche de l'entreprise, relève une étude de Capgemini. -
Holcim mise sur l’Amérique latine pour accélérer sa croissance
Après la scission prochaine de sa branche nord-américaine, le cimentier suisse vise une progression annuelle moyenne de 6% à 10% de son résultat d’exploitation récurrent.
Sujets d'actualité
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions