
Les biotech bénéficient toujours du soutien des investisseurs

Le secteur de la healthtech n'échappe pas à la crise. 45% des entreprises ont fermé, au moins en partie, leurs activités, et 62% ont mis en place des mesures de chômage partiel, principalement pour les activités de R&D, de production et de distribution, selon une étude réalisée mi-avril par France Biotech auprès de 122 biotech, medtech, ou entreprises de e-santé françaises. Parmi les sociétés qui commercialisent des produits de santé, la moitié enregistre une forte baisse, et plus d’un quart a stoppé ses activités. En outre, les deux-tiers des sociétés rencontrent des difficultés d’approvisionnement. Moins dépendantes des ventes que les medtech, les biotech «semblent être ainsi davantage protégées», relève l'étude. Quant aux entreprises de santé digitale positionnées sur le développement de solutions pour les patients ou pour les professionnels de santé, la majorité a naturellement profité d’une augmentation de leurs activités dans un environnement où les contacts physiques sont bannis.
Conséquence de l’arrêt des activités de recherche, les sociétés craignent de devoir repousser leur calendrier de développement. Parmi les 79% de sociétés ayant pris du retard sur leurs essais cliniques en cours, 62% les ont totalement arrêtés. «Si les jeunes biotech ne sont pas affectées par la perte de chiffre d’affaires, puisqu’elle n’en dégagent pas encore, elles souffrent de l’incertitude sur le calendrier de la reprise des développements et des essais, faute de disponibilité des hôpitaux et des patients, plus réticents à venir», explique Sabine Dandiguian, associée de Jeito Capital. Les essais cliniques «sont plus difficiles en ce moment, reconnaît Philippe Pouletty, directeur général de Truffle Capital. Les essais de phase II et III ont pris trois ou quatre mois de retard.» Or, les biotech ne peuvent réaliser un nouveau tour de table dans de bonnes conditions sans présenter les résultats cliniques attendus.
Le secteur bénéficie de financements non dilutifs
Le financement est le nerf de la guerre, encore plus pour les sociétés du secteur qui mettent des années avant d’atteindre l'équilibre financier. Alors que les levées de fonds sont «majoritairement en pause», selon France Biotech, une société sur deux déclare des difficultés financières, 60% avouent des problèmes de trésorerie et 21% à moins de trois mois. Près des trois-quarts des medtech sont en difficulté. Près des deux-tiers de l’ensemble des sociétés du secteur se sont adressés à leurs banques pour obtenir des prêts. Plus d’un tiers déclare avoir rencontré des difficultés, mais a obtenu des prêts compris principalement entre 200.000 euros et 1 million d’euros. Les banques justifient leur refus par l’absence de chiffre d’affaires et un projet risqué, ou par des fonds propres insuffisants, selon l’enquête. «Les sociétés peuvent aussi bénéficier de nombreux financements non dilutifs, avec les prêts garantis par l’Etat (PGE) et ceux octroyés par la BPI et la Banque européenne d’investissement (BEI)», constate Philippe Pouletty. Les deux-tiers des entreprises sont éligibles au PGE, mais 29% sont des PME en difficulté au sens communautaire du terme et ne peuvent pas bénéficier d’aides, précise l'étude.
Pour près de 40% des entreprises de healthtech, les mesures fiscales et financières mises en place par le gouvernement sont insuffisantes. Plus d’un tiers a néanmoins bénéficié du remboursement accéléré du crédit impôt recherche (CIR), tandis qu’un tiers n’a pas encore fait la demande et un quart ne l’a pas obtenu.
Plus d’un tiers des sociétés ont une levée de fonds en cours, et peinent à boucler l’opération, «certains investisseurs préférant attendre d’avoir davantage de visibilité», selon l'étude. Pourtant, «nous ne constatons pas de difficultés particulières de financement en ‘equity’, confie Philippe Pouletty. En revanche, il faut être vigilant sur le comportement de certains investisseurs en prêts convertibles, certains ayant à coeur d’aider leurs entreprises, d’autres beaucoup moins.» Fin 2019, Truffle a levé 250 millions d’euros pour ses fonds biotech. «Nous nous apprêtons à lancer un nouveau fonds, baptisé Medeor, avec une cible de 600 millions d’euros. Nous visons des biotech ‘late-stage’ en phase II ou III, et des dispositifs médicaux avant le marquage CE ou en tout début de commercialisation. Un tiers de ce fonds sera consacré aux sociétés à fort potentiel issues de portefeuille de Truffle, un tiers à des structures européennes recherchant un actionnaire de référence ou majoritaire, et un tiers à des sociétés ou ‘spin-off’ nord-américains que nous souhaitons ramener en France», précise Philippe Pouletty.
La santé attire de plus en plus les assureurs
De son côté, Jeito a levé 200 millions d’euros fin 2019 et vise les 500 millions pour son premier fonds. «Nous devrions annoncer nos trois premiers investissements – de 5 à 30 millions d’euros chacun – avant l'été, confie Sabine Dandiguian. Les biotech sont intéressées par de nouveaux tours de table, pas tant par manque de ‘cash’, que par volonté d'être accompagnées sur la durée. En réalité, ce contexte incertain nous ouvre de nouvelles opportunités.»
L’image des investisseurs sur le secteur est en train d'évoluer. «La santé va devenir un domaine encore plus prioritaire, en particulier les médicaments, vaccins et dispositifs médicaux innovants et recherchés par les gestions socialement responsables», anticipe Philippe Pouletty. La santé est «de nouveau perçue comme un bien public pérenne et comme un secteur d’investissement, poursuit Sabine Dandiguian. Sans faire abstraction des risques réputationnels et d'échec inhérents aux biotech, la frilosité des investisseurs s’explique par la méconnaissance du secteur. Les assureurs commencent à regarder les avantages du marché de la santé: croissance régulière, absence de cycle et de bulle, et des innovations thérapeutiques de mieux en mieux valorisées si elles sont majeures. Ils peuvent en outre capitaliser sur le très riche terreau français, avec ses nombreuses plates-formes technologiques.»
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