
Les administrateurs font de la crise une force pour transformer leur entreprise

Avec un rebond de la croissance plus rapide que prévu, quel est le rôle des administrateurs pour accompagner la reprise et assurer le retour à la performance de leur entreprise ? Lors d’un récent webinaire de l’Institut français des administrateurs (IFA), Olivier Marion, associé PwC et Jocelyn Olive, PDG de Buffalo Grill-Courtepaille ont apporté leur éclairage.
Avant de redémarrer, les entreprises ont besoin de digérer la crise. Si elles ont résisté à la pandémie, elles sont aussi nombreuses à être plus endettées (Prêt garanti par l’Etat (PGE), moratoire sur les dettes fiscales et sociales, décalage de remboursement des dettes pré-existantes…), avec des capitaux propres réduits par les pertes. Dans ce contexte, «l’entreprise a-t-elle une photographie complète de son endettement et une vision claire sur sa capacité de remboursement ?», s’interroge Olivier Marion.
Avec le premier arrêt de l’activité en mars 2020, «nous avons mis la société en hibernation en quatre jours, avec le souci de protéger les collaborateurs et le patrimoine de l’entreprise», explique Jocelyn Olive. Buffalo Grill a obtenu un PGE de 65 millions d’euros (11% de son chiffre d’affaires). Parallèlement le groupe a décidé de s’attaquer à sa dette. «Grâce à notre actionnaire, le fonds TDR Capital, nous avons pu restructurer notre endettement bancaire en reprenant 80% de notre dette senior auprès de nos prêteurs historiques, avec pour objectif d’assainir le bilan et de permettre la transformation du groupe en sortie de crise, précise Jocelyn Olive. Cette décision démontre le sens des responsabilités de TDR Capital». Pendant la crise, la chaîne de restauration a tenu un conseil d’administration toutes les semaines, et l’actionnaire a détaché une personne de son équipe pour épauler le directeur financier de Buffalo Grill.
Profiter de la reprise nécessite aussi d’adapter l’entreprise au monde post-Covid. Avec notamment comme enjeux le repositionnement sur les marchés porteurs, la digitalisation, la décarbonation, et la maîtrise des approvisionnements ; mais aussi l’optimisation du besoin en fonds de roulement (BFR), le traitement ou la cession des activités en difficulté, ou encore le refinancement du bilan et le refinancement des capitaux propres, ajoute PwC.
S’adapter aux nouveaux modes de consommation
Pour sa part, Buffalo Grill a saisi au bond le changement de mode de consommation. «Le 14 mars 2020, nous fermions nos restaurants, le 2 avril nous décidions de livrer à domicile et nous débutions le service le 13 avril. Début 2021, nous avons aussi lancé Bun Meat Bun, une marque 100% digitale. Aujourd’hui, nos activités de livraison à domicile génèrent 100 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel avec la volonté de devenir l’un des leaders en France», poursuit Jocelyn Olive. Le groupe de restauration s’est également mis à l’écoute de ses consommateurs. «Nous avons basculé notre approvisionnement de viande de bœuf de l’Europe vers la France, et avons désormais près d’un client sur trois en restaurant qui commande sur son smartphone», précise le patron du groupe de restauration. Enfin, le groupe s’est efforcé de réduire ses coûts fixes, en renégociant ses structures de loyers, qui pèsent aujourd’hui environ 8% de ses ventes, contre plus de 10% avant la crise. En outre, «le financement des murs de certains restaurants via des opérations de sale & lease-back permet de sécuriser la trésorerie, de protéger la société sur le moyen terme, et de partager le financement des rénovations avec nos partenaires immobiliers», explique Jocelyn Olive.
La reprise nécessite aussi de prévoir et d’anticiper, en particulier les besoins de financement. Dans ce contexte, les acquisitions peuvent permettre d’accélérer la reprise et l’adaptation du modèle économique. «Le M&A, particulièrement actif actuellement, permet aux entreprises de se transformer et de s’adapter à la nouvelle donne, voire de consolider un secteur en intégrant un concurrent, constate Olivier Marion. Le financement de ces opérations doit être anticipé, en parallèle du remboursement des dettes ‘covid’».
Buffalo Grill-Courtepaille finalise une acquisition majeure
Buffalo Grill en est un bon exemple, après avoir repris Courtepaille à la barre du tribunal fin septembre 2020. «Avec la fermeture administrative de nos restaurants engendrée par le deuxième confinement de 2020, nous avons réussi à faire le rapprochement entre Buffalo Grill et Courtepaille en six mois, au lieu des deux ans prévus initialement, se félicite Jocelyn Olive. Nous sommes également en train de réaliser une acquisition majeure, qui sera prochainement annoncée, pour constituer une nouvelle marque moteur au sein du groupe».
En attendant, les questions d’approvisionnement et de manque de main d’œuvre restent cruciales. «Lors de la fermeture forcée de nos restaurants, certains de nos fournisseurs se sont tournés vers la grande distribution et nous constatons maintenant des pénuries sur certains produits, relève Jocelyn Olive. Nous avons également 6% de nos postes vacants, une situation probablement meilleure que celle du secteur mais difficile.» Enfin, les mesures de soutien aux entreprises sont arrêtées, «mais avec encore 20 à 30% d’activité en moins, nous perdons de l’argent et consommons de la trésorerie, constate le patron de Buffalo Grill-Courtepaille. Sans aide, nous devons trouver des leviers».
Aussi, Olivier Marion propose en synthèse dix commandements de l’administrateur pour réussir la reprise. Il devra notamment veiller à favoriser la transformation de l’entreprise, à améliorer les outils de pilotage, à renforcer le bilan, et à financer l’activité et la croissance externe.
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