
Les 80.000 salariés d’Equans retiennent leur souffle

Le verdict est attendu dans les prochains jours. Les trois candidats déposent ce mardi leurs offres définitives de rachat d’Equans auprès d’Engie. Bain Capital, Bouygues et Eiffage sont attendus de pied ferme sur l’aspect financier, avec une valorisation qui devrait tourner entre 6 et 7 milliards d’euros. Mais aussi sur le critère social, les protagonistes ayant à cœur d’éviter de rejouer le scénario agité de la vente de la participation d’Engie dans Suez. L’avis des 80.000 salariés de la branche services de l’industriel énergétique français, représentés par leurs syndicats, est donc scruté de près par les pouvoirs publics, à six mois seulement de l’élection présidentielle.
Dans un tract diffusé jeudi dernier, la CGT – premier syndicat d’Engie avec 38 % des votes – a une nouvelle fois martelé «l’absurdité» du projet. Une position partagée par les autres organisations professionnelle. «Malgré nos efforts, le projet avance, avec le soutien du gouvernement et de ses représentants au conseil d’administration d’Engie. La CGT, de manière responsable, a décidé de faire des garanties sociales un sujet majeur dans le choix du repreneur», peut-on y lire. Les propositions des candidats ont donc été épluchées, avec à la clef une distribution de bons et de mauvais points.
Le cas Bain
«Bain est celui qui a le plus travaillé son dossier. Je les ai rencontrés trois fois et force est de constater qu’il y a moins d’aspérité. Ils veulent conserver les effectifs en Europe et suivre le business plan de la direction», indique Yohan Thiébaux, coordinateur CGT chez Engie. D’ici 2025, le fonds prévoirait de réaliser une opération de croissance externe aux Etats-Unis pour s’adjoindre 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, tandis que 3 milliards supplémentaires proviendraient du développement organique d’Equans – qui a affiché 12,5 milliards de revenus l’an dernier. En parallèle, la marge passerait de 3,5 à 6%. «En interne, la plupart des directeurs estiment impensable d’atteindre ce niveau de rentabilité, du moins sur un laps de temps aussi court. Cela ne peut passer que par une réorganisation», note un ingénieur. Le fonds américain, qui souhaite s’associer à Fimalac (20% du capital) et Engie (20%), s’est toutefois engagé à maintenir le périmètre d’Equans pendant cinq ans et a accepté les demandes des représentants des salariés, dont le maintien du statut d’entreprise à mission. Avec l’idée, à terme, d’introduire Equans en Bourse. Bain espère ainsi être en mesure de réitérer la formule Bravida, du nom de cette ancienne division du groupe de télécom Telenor. Celle-ci est cotée depuis 2015 et vaut plus de 14 fois son Ebitda.
Le cas Bouygues
Le cas Bouygues diffère. Selon les organisations syndicales, les contacts avec le groupe de Martin Bouygues ont été réduits à peau de chagrin. Une centaine d’agences seraient en doublon avec le géant du BTP, soit un total de 1.800 collaborateurs. Des reclassements seraient donc à prévoir au sein de Bouygues, qui emploie déjà 14.500 salariés sur cette activité (pour un chiffre d’affaires de près de 4 milliards d’euros). Le groupe tempère en prévoyant de recruter 10.000 salariés d’ici 2026 dans les métiers de services à l’énergie. Mais à l’instar des deux autres repreneurs potentiels, il n’a pas pris d’engagements concernant le maintien de l’emploi à l’international. «Qu’allons-nous dire aux 12.000 collaborateurs qui officient en Amérique ou en Afrique ?», s’inquiète le syndicaliste de la CGT. Bouygues figure pourtant toujours comme le favori de l’enchère, notamment en raison des bonnes relations historiques qu’entretient l’emblématique milliardaire français avec l’actuel locataire de l’Elysée.
Le cas Eiffage
Enfin, Eiffage veut croire en sa bonne étoile. Mais si sa capacité à financer une opération de cette envergure n’est pas questionnée (contrairement à Spie qui a renoncé), les frictions sociales sont là aussi pointées du doigt. 250 agences d’Equans, représentant 5.000 collaborateurs, seraient en doublon. Eiffage mise toutefois sur son organisation décentralisée, et donc plus favorable aux managers des différentes entités d’Equans, pour faciliter l’intégration. «L’Etat veut un industriel, mais il a déjà donné M6 à Bouygues, propriétaire de TF1. S’il réitère, cela donnera lieu à une polémique néfaste à l’approche des élections», estime un banquier. Reste à savoir dans quelle proportion les autres administrateurs d’Engie pourront imposer leurs vues, en cas de désaccord avec le gouvernement. Les syndicats, eux, se disent prêts à soutenir le candidat capable de formaliser par écrit les garanties sociales les plus ambitieuses.
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