
Le nouveau rapport sur l’activisme propose des remèdes sans s’attaquer aux causes

Deuxième rapport sur l’activisme actionnarial. Un mois après le rapport Woerth, le Club des Juristes a publié hier ses recommandations . «Notre but n’est pas de nous prononcer sur les mérites et les inconvénients de l’activisme actionnarial, explique Michel Prada, président du groupe de travail «activisme actionnarial» du Club des Juristes, et ancien président de l’AMF (2003-2008). Il est sain que les actionnaires soient engagés et actifs». Néanmoins, d’un rapport à l’autre, la barre s’infléchit. Les recommandations du Club des Juristes s’adressent essentiellement aux activistes, alors que le rapport Woerth invitait également le régulateur à agir. Mais une nouvelle fois, aucune recommandation ne concerne le conseil et les administrateurs. Le Club des Juristes se contente d’y trouver une réponse dans le dialogue actionnarial à renforcer.
Ces deux rapports s’attaquent à la manière de «réguler» les actions des activistes, mais ne s’interrogent pas sur les raisons de ces interventions et sur la manière de les prévenir. Or, les activistes soulèvent souvent des questions qui auraient dû être traitées par leconseild’administration. D’autant que la gouvernance constitue l’angle d’attaque favori des activistes. Pourtant, aucun de ces deux rapports ne s’interroge sur le rôle du conseil d’administration. A-t-il les moyens suffisants pour agir ? Est-il assez indépendant vis-à-vis de la direction opérationnelle ? Des questions qui mériteraient des réponses. Or, il est à craindre que le troisième rapport attendu, celui de l’Afep, n’aille pas dans ce sens… Quant au rapport de Paris Europlace, il semble voué à n’être jamais publié.
Quoi qu’il en soit, ces rapports ont le mérite d’apporter des pistes de réflexion. «Nous n’appelons pas de big bang législatif, dont personne ne voulait», ajoute Michel Prada.
A travers dix recommandations, le Club des Juristes fixe trois axes d’amélioration. D’une part, l’encadrement des campagnes activistes par une meilleure transparence. «Pour avoir une légitimité à agir, il faut être exposé au titre et être transparent», poursuit Michel Prada. Dès qu’ils ont pris position publiquement, les activistes devraient déclarer leur niveau de participation, le type de titres détenus et les éventuelles couvertures, en mettant à jour régulièrement ces informations. La réglementation pourrait être revue afin d’obtenir plus de transparence sur les positions courtes, notamment sur l’identité des investisseurs ayant prêté les titres.
Priver les actions prêtées de droit de vote
Le Club des Juristes propose aussi de priver l’emprunteur du droit de vote attaché aux actions prêtées, et encourage la pratique actuelle de certains institutionnels prévoyant cette interdiction dans les contrats de prêt. Le rapport propose que les informations diffusées par les activistes soient soumises à des règles semblables à celles appliquées pour les recommandations d’investissement, et que les documents adressés en privé à d’autres actionnaires soient publiés. Ces activistes devraient s’abstenir de communiquer pendant les «quiet periods» qui s’imposent aux émetteurs. Et en cas de rumeurs de campagne activiste, l’AMF pourrait demander à l’investisseur de confirmer ou d’infirmer l’information.
D’autre part, le rapport milite pour le renforcement du dialogue actionnarial. En préalable, il recommande la systématisation de discussions avant le lancement public d’une campagne activiste, en laissant des délais suffisants aux sociétés pour répondre aux critiques. Le Club des Juristes promeut aussi la création d’une plate-forme – à l’instar de l’Investor Forum britannique – permettant aux investisseurs de partager leurs revendications et d’engager un dialogue avec les émetteurs.
Revoir l’élaboration du code Afep-Medef
«Dans la perspective d’un rééquilibrage des droits et obligations respectivement applicables aux émetteurs et aux investisseurs», le rapport propose que l’élaboration du code de gouvernement d’entreprise soit «réexaminée afin d’assurer la plus large acceptation possible de la part des investisseurs». Proposition qui étonne Odile de Brosses, directrice juridique de l’Afep, rappelant que les émetteurs ont peu participé aux consultations de Place réalisées lors des dernières révisions du code Afep-Medef. Le rapport invite les investisseurs à se réunir en un comité unique pour discuter avec les émetteurs.
Enfin, le Club des Juristes préconise un renforcement des moyens de l’AMF, l’un des principaux volets du rapport Woerth, et une réflexion sur le rôle du régulateur européen (Esma). Le rapport invite notamment l’Esma à clarifier la notion de concert dans le cadre d’une campagne activiste, à l’instar de la technique de la liste blanche élaborée par l’Esma pour la directive OPA.
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