Le débat monte sur le rôle de l’Etat actionnaire

Face aux conflits d’objectifs et aux performances médiocres du portefeuille public, la Cour des comptes prône des réformes, dont une redéfinition des rôles de l’APE et de Bpifrance.
Olivier Pinaud
Cour des comptes façade
Façade du palais Cambon, où siège La Cour des comptes.  -  Photo Cour des comptes.

Le démantèlement d’Areva, le surendettement de la SNCF ou la perte de valeur du portefeuille géré par l’Agence des participations de l’Etat (APE) illustrent les limites de l’Etat actionnaire. Le rapport publié hier par la Cour des comptes, le premier à dresser un tableau complet de l’action des différentes structures d’investissement public (APE, Caisse des dépôts et Bpifrance), enfonce le clou. «Le mode d’intervention de l’Etat continue de présenter des faiblesses chroniques qui pèsent comme autant de risques sur sa capacité à prendre les bonnes décisions», lance Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes.

Sans nier des progrès récents, comme la définition en 2014 des quatre lignes directrices de l’APE, la persistance des failles de l’Etat actionnaire appelle à des «transformations profondes». «Il n’y a pas de fatalité à ce que l’Etat soit un mauvais actionnaire», appuie Marc Schwartz, rapporteur général à la Cour des comptes. Le rapport souligne l’exemple norvégien dont l’organisation de la politique actionnariale vise à prémunir les entreprises des interférences gouvernementales. En Suède, des cibles financières sont fixées chaque année aux entreprises publiques.

La Cour des comptes formule ainsi 15 recommandations, répondant à trois priorités. La première est «simple», lance Didier Migaud : «l’Etat doit savoir pourquoi il est actionnaire». La cour appelle à une redistribution des rôles entre l’APE et Bpifrance, avec un transfert vers la banque publique des participations industrielles, souvent minoritaires, l’APE devant se concentrer sur trois de ses quatre lignes directrices (souveraineté, opérateurs résilients et sauvetage). Les participations dans Renault ou PSA pourraient rejoindre Bpifrance. En sens inverse, la ligne STMicro serait plus légitime à l’APE en raison de la présence au capital de l’Etat italien.

Il n’est pas question de faire «le grand soir» de l’actionnariat public, explique Marc Schwartz, car un transfert massif de participations vers Bpifrance «déséquilibrerait sa gouvernance, équilibrée entre l’APE et la CDC». Néanmoins, selon le rapporteur général, une meilleure répartition des rôles entre APE et Bpifrance «renforcerait leurs moyens d’action» et permettrait d’«améliorer la gouvernance d’entreprises cotées désormais détenues par une entité elle-même soumise au droit des sociétés».

Garantir l’autonomie des entreprises

Deuxième priorité : «mieux encadrer la fonction d’actionnaire». L’Etat garantirait l’autonomie à ses entreprises, via la gouvernance ou une désignation des dirigeants plus transparente et collégiale, mais aussi en transformant les établissements publics, SNCF en tête, en sociétés anonymes. Mais pour faire disparaître «des comportements solidement ancrés», seule une évolution de l’APE vers un statut d’agence autonome «permettrait de faire évoluer fortement les pratiques de l’Etat actionnaire». L’APE pourrait être dotée d’un conseil d’administration avec des membres indépendants. Ses fonctions de président et de directeur général seraient dissociées. Comme pour Bpifrance, l’Etat fixerait un contrat d’objectifs pluriannuels et des mandats de gestion annuels. L’APE verserait chaque année au budget de l’Etat un dividende tiré des cessions et des dividendes reçus de ses participations.

Enfin, la Cour demande de limiter les interventions en capital au «strict nécessaire». «Pour protéger les intérêts essentiels de la nation, l’Etat dispose de puissants moyens juridiques», souligne le rapport, comme les actions spécifiques (golden share). La mise en œuvre des mesures de protection des décrets de 2005, sur les relations financières avec l’étranger, et de 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation, pourrait être renforcée. Ces outils permettraient de limiter le recours au capital public et le portefeuille actuel de l’Etat pourrait être allégé.

La Cour voit deux façons de redimensionner le portefeuille. La première serait d’optimiser les participations dans les entreprises du secteur concurrentiel (Orange, Renault, Engie, ADP…) à un niveau qui permet d’exercer le pouvoir souhaité. L’Etat empocherait une dizaine de milliards de recettes de cessions. Autre voie, plus radicale : resserrer significativement le périmètre en cédant la quasi-intégralité des participations. Les produits de cessions seraient d’un tout autre ordre de grandeur et cela «lèverait aussi les conflits d’objectifs et permettrait de faire rentrer d’autres actionnaires dans le cadre d’alliances internationales», indique Marc Schwartz. Mais cette option radicale a aussi ses limites. Qui remplacerait l’Etat actionnaire, demande la Cour, alors que les Français préfèrent l’assurance vie ou l’épargne réglementée aux actions ?

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Dans sa r\u00e9ponse \u00e0 la Cour des comptes, le groupe Renault se f\u00e9licite de l’id\u00e9e d’une baisse de la participation de l’Etat au capital des constructeurs automobiles. L'\u00e9pisode des droits de vote doubles a laiss\u00e9 des traces entre les deux parties. En plus de lui reprocher de vouloir \u00abchaque ann\u00e9e accro\u00eetre et maximiser le dividende, parfois au-del\u00e0 du raisonnable\u00bb,<\/em> le groupe fustige la fa\u00e7on dont l’Etat est mont\u00e9 \u00e0 son capital, via des pr\u00eats de titres, \u00abdans des conditions qui n’ont jamais \u00e9t\u00e9 clarifi\u00e9es\u00bb<\/em>. Ces \u00abconflits d’int\u00e9r\u00eats\u00bb<\/em> auraient eu un \u00abimpact profond et durable sur Renault\u00bb<\/em> et sur \u00abla r\u00e9putation internationale de la Place de Paris\u00bb<\/em>.<\/p>\n»,"format":"light_html"}}

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