La politique sur le contrôle des investissements étrangers en France aura-t-elle un impact ?

Le contrôle des investissements étrangers a été au centre de l’attention en juin avec la publication d’un rapport du Trésor, la parution d’une étude des Nations unies ou encore un forum organisé par le Medef. Parmi les questions centrales, celle de l’impact sur l’attractivité économique de la France. Quel bilan en dresser ?
Managing Director chez FTI Consulting
Managing Director chez FTI Consulting
Associé fondateur du département concurrence / antitrust chez Stephenson Harwood
Focus investissement
la France autorise globalement moins de dossiers que ses pairs  -  (DR)

La politique de contrôle des investissements étrangers existe depuis plusieurs décennies en France mais est restée longtemps à l’état embryonnaire. Elle connaît depuis dix ans un essor massif qui trouve désormais un prolongement au niveau de l’Union européenne. Les domaines d’activité et les cas d’application se sont étendus et l’analyse s’est technicisée.

L’intention est louable : protéger des secteurs stratégiques, dont la détention par des acteurs français répond à des besoins de souveraineté. Les activités d’Atos dans le nucléaire en sont un bon exemple. Le bien-fondé de ce type de régulation fait qu’elle est maintenant présente presque partout dans le monde : chez nos voisins européens, bien sûr, mais aussi aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Chine.

Les équipes du Trésor en charge du contrôle se sont étoffées et ont emmagasiné une expérience qui leur permet d’être efficaces. Elles sont sensibles aux situations d’urgence (difficultés financières de la cible notamment) et peuvent se montrer très réactives lorsque le dossier l’exige. Elles sont aussi bien connectées avec les autres services de l’Etat, ce qui les aide à mieux s’imprégner des problématiques et des marchés.

Enfin, ce sujet est loin de se limiter à sa dimension juridico-technique. Il s’est progressivement imposé dans le débat public, avec des cas emblématiques comme l’intervention du ministre Bruno Le Maire mettant fin à l’opération Carrefour Couche-Tard au détour d’une question d’une matinale radio. Aujourd’hui, une opération de rachat d’entreprise dans un secteur perçu comme sensible fera réagir publiquement médias, élus, experts, syndicats ou encore ONG. La dimension réputationnelle et politique s’invite désormais dans un nombre croissant d’opérations.

La France plus stricte que ses pairs

La Banque de France nous désignait déjà comme le pays européen le plus restrictif dans un papier d’octobre 2023. Cela se voit aussi dans le dernier rapport des Nations unies sur l’investissement.

Tout d’abord, la France contrôle beaucoup plus de dossiers : 309 en 2023 contre environ 400 pour les Etats-Unis, dont l’économie est bien sûr sans commune mesure ! Nos voisins européens contrôlent aussi moins de dossiers que nous : par exemple 257 pour l’Allemagne ou 108 pour l’Espagne. Une exception notable à cela, l’Italie, qui contrôle presque deux fois plus de dossiers que la France.

De plus, la France autorise globalement moins de dossiers que ses pairs. Ainsi, en 2023, nous en avons autorisé 44%, tandis que l’Espagne en a par exemple autorisé 95% et la Belgique 81%. Ceci dit, il convient de nuancer ces chiffres : parmi les dossiers non autorisés se cachent probablement de nombreux dossiers simplement hors périmètre d’application, plutôt que refusés pour des raisons de souveraineté.

Pas d’impact fort sur le marché des transactions

La question de l’impact sur le marché des transactions de ce contrôle en apparence plus sévère qu’ailleurs peut se poser. En effet, il s’est produit une chute spectaculaire des IDE en France entre 2022 et 2023 : ils ont diminué de 76 à 42 milliards d’euros, soit presque 50% de baisse !

Est-ce en raison d’un durcissement de la politique de contrôle ? A priori non, la chute s’explique surtout par le fait que 2022 était une année exceptionnelle ; 2023 marque un retour à la normale. La France reste d’ailleurs championne d’Europe des investissements étrangers, comme le souligne justement le rapport du Trésor.

Il faut reconnaître que les investisseurs étrangers sont largement rompus à ce type d’intervention étatique. De plus, les fonds d’investissement américains et anglais, qui représentent la majorité des investissements, ne sont pas forcément les nationalités les plus à risque de refus. Plus que le contrôle des investissements, ils sont surtout sensibles à des facteurs d’attractivité plus «classiques» tels que la qualité et la disponibilité de la main-d’œuvre, ou encore la stabilité du cadre politique, réglementaire et fiscal.

En revanche, la politique de contrôle peut ponctuellement fortement affecter une opération particulière. A titre d’exemple, l’entreprise Photonis, dont le rachat par une société américaine s’est heurté à un refus et qui fut par la suite cédée à un fonds français à un prix largement inférieur à l’offre américaine : 370 contre 550 millions d’euros. Une sacrée différence pour Ardian, le vendeur.

Un investissement qui se prépare

Deux impératifs devraient être présents à l’esprit des investisseurs étrangers qui envisagent une opération en France.

Premièrement, préparer en amont sa stratégie M&A. Dès le début de la due diligence, si la cible appartient à un secteur protégé, il faut se poser la question d’un contrôle potentiel de votre investissement et ébaucher une série d’options stratégiques pour sécuriser la transaction. Le processus de contrôle peut prendre jusqu’à quatre mois, il est donc critique d’avoir rapidement un plan d’attaque clair.

Deuxièmement, évaluer avec précision les risques politiques et réputationnels liés à l’opération, prendre contact de manière préalable avec les autorités, puis construire un plan de communication et d’engagement holistique, intégrant toutes les parties-prenantes susceptibles de peser sur le succès de l’opération.

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