
Lagardère, braquage à l’ancienne

Cette chronique aurait pu s’intituler les tontons flingueurs si le sujet en arrière-plan avait prêté à sourire. Ce qui se joue chez Lagardère donne plutôt envie de pleurer. Pleurer en mémoire d’une chère démocratie actionnariale trop tôt disparue, piétinée par des pratiques qu’on espérait (sans trop y croire, avouons-le) d’un autre temps.
Alors que les actionnaires de Lagardère doivent décider de l’avenir du groupe, entre accorder de nouveau leur confiance à Arnaud Lagardère ou choisir la voie alternative poussée par Amber, ils n’ont pas d’autre choix que de voter en silence.
L’assemblée générale du 5 mai se jouera sans spectateurs, confinement oblige : aucun actionnaire, mis à part le gérant commandité Arnaud Lagardère ; aucun bureau représentant les trois principaux actionnaires ; aucun arbitre (huissier, avocat…), comme c’est souvent la pratique lors des AG conflictuelles pour s’assurer du bon déroulement des votes.
Ce huis-clos aurait été anecdotique s’il s’agissait de voter les comptes annuels. Et encore. Il est stupéfiant pour un tel enjeu.
Vaudeville et coup de théâtre
Et comme toute bonne (ou mauvaise ?) pièce de boulevard, Lagardère avait caché un amant dans le placard. L’irruption amicale, juste avant le dernier acte, de Vincent Bolloré et de Marc Ladreit de Lacharrière, deux acteurs bien connus de la Place, ajoute à la confusion.
Par sa maîtrise habile du droit boursier, Vincent Bolloré, qui a acquis 10,6% de Lagardère via Vivendi, ne devra faire sa déclaration d’intention pour Lagardère qu’en début de semaine prochaine, soit quelques heures seulement avant que les actionnaires ne finalisent leur vote par correspondance.
Amber craint un dépeçage négocié et entre vieux amis du groupe Lagardère. Rien, à ce stade, ne permet de confirmer ce scénario. Mais rien ne permet non plus de le démentir.
Même si en coulisses de nombreuses voix s’offusquent, cette pièce déplorable pour l’image de la Place de Paris se joue dans un silence le plus total, du régulateur (AMF) en passant par les organisations de place (Paris Europlace) ou patronales (Afep Medef).
Au moment où les grands dirigeants français commencent à réfléchir au monde d’après, il serait bien qu’ils n’oublient pas de déterrer la démocratie actionnariale qu’ils défendent avec peu d’entrain.
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