
L’Afep demande aux activistes de ne plus avancer masqués

Synthétique et pragmatique, le très attendu rapport de l’Afep sur l’activisme actionnarial annonce d’emblée ses intentions. Il «vise à déterminer les actions éventuelles à mener pour lutter contre les effets négatifs d’un certain activisme actionnarial ‘court termiste’». A la demande «de nos entreprises membres et de notre conseil d’administration, nous avons entrepris ce rapport afin de trouver un équilibre qui ne nuise pas à l’attractivité de Place», confie l’Afep. Pour elle, l’activiste se définit par un faisceau d’indices : une prise de participation minoritaire, une remise en cause de la gouvernance, de la stratégie, et/ou de la performance économique, et un objectif de profit «le plus souvent» à court terme.
Face aux nombreux débats sur l’activisme et après les rapports de l’Assemblée nationale (rapport Woerth) et du Club des Juristes, l’Afep a voulu se démarquer. «Notre originalité consiste à demander aux activistes de se déclarer en cette qualité auprès de la société, ajoute l’Afep. Notre objectif n’est pas de stigmatiser ces investisseurs activistes, mais de pouvoir nouer un dialogue préalable avec eux avant qu’ils ne rendent public leur ‘white paper’». Avec cette déclaration, l’activiste devrait dévoiler ses positions au comptant ou à travers des dérivés, quel que soit le mode de débouclage, et les opérations de couverture liées à ces positions. «Nous souhaitons que l’AMF, seul arbitre que nous connaissions, introduise cette règle dans son règlement général et l’assortisse de sanctions pécuniaires, qui pourraient être prononcées par la commission des sanctions. L’AMF pourrait aussi prévoir la privation des droits de vote et l’interdiction de déposer des projets de résolution si l’activiste ne déclare pas sa position. Nous croyons à l’effet dissuasif de la sanction, notamment sur la réputation des fonds activistes». A ce stade, l’Afep ne précise pas qui rendrait publique cette déclaration et quand elle devrait être dévoilée.
Bien que des activistes aient contesté l’asymétrie d’information évoquée par le rapport Woerth, l’Afep veut agir sur «l’asymétrie concernant les règles de communication financière qui ne s’appliquent pas aux activistes». Le rapport juge la communication des activistes «systématiquement à charge», «parfois inattendue» et pouvant «intervenir à des moments déstabilisants pour la société». En outre, cette communication «émane d’entités dont on ne connaît ni le management, ni les objectifs, ni la détention, ce qui ne permet pas de détecter des potentiels conflits d’intérêts», poursuit le rapport.
Imposer des déclarations de seuil au prêteur de titres
L’Afep demande également une amélioration de la lisibilité des déclarations des franchissements de seuils résultant de l’utilisation d’instruments dérivés. Le rapport propose aussi de prévoir dans la loi la suspension automatique des droits de vote en cas de non-respect des franchissements de seuils statutaires. «Les statuts prévoient rarement cette possibilité, difficile à mettre en œuvre, et encore plus délicate à faire adopter en assemblée générale», confie l’Afep.
Pour les intervenants à découvert, l’Afep propose de durcir les règles actuelles, en imposant, à toute entité qui publie des commentaires financiers sur la société, une communication à l’émetteur des positions courtes nettes des seuils de 0,1% et 0,2% du capital. Et les vendeurs à découvert devraient répondre «sans délai» à toute demande d’explications de l’AMF, sous peine de sanctions.
Pas question d’abaisser le seuil de 5%
Par ailleurs, l’Afep propose de mieux encadrer les activités de prêts de titres, en s’intéressant au prêteur. «Nous recommandons d’imposer au prêteur une déclaration s’il franchit un seuil réglementaire à la baisse en raison de son prêt de titres, ajoute l’Afep. Aujourd’hui, seul l’emprunteur est tenu de déclarer ses emprunts de titres à chaque 0,5% du capital».
En revanche, «nous ne sommes pas favorables à l’abaissement du premier franchissement de seuil de 5% à 3%, et de la déclaration d’intention de 10% à 5%, proposé par le rapport Woerth, précise l’Afep. Ce sujet fait débat, mais nous jugeons cette mesure trop contraignante pour les investisseurs et sans impact pour les activistes».
Ce rapport «prône des bonnes pratiques pour les sociétés, mais ne conduit pas à modifier le code Afep-Medef, où nous recommandons déjà de dialoguer avec les investisseurs», confie l’Afep. Dans la première partie de son rapport, l’Afep dresse en effet une longue liste de bonnes pratiques à mettre en place pour prévenir l’arrivée d’un actionnaire activiste. Parmi elles : l’identification des actionnaires, la mise en place de seuils statutaires bas, un dialogue renforcé avec les institutionnels actionnaires, l’information du conseil d’administration sur les retours des investisseurs, la construction de «relations de confiance avec les journalistes», la clarté et la transparence sur les objectifs et la stratégie de long terme, l’organisation de road-shows gouvernance, la prévention de l’irruption d’un activiste en s’interrogeant régulièrement sur les angles d’attaque possible : gouvernance, stratégie et M&A, allocation du capital, la réalisation d’un vade mecum en cas d’urgence, les moyens de fidélisation des actionnaires…
Et quand l’activiste est arrivé, l’Afep recommande d’organiser le dialogue avec lui, de préparer la communication publique, de répondre sur le site aux arguments du white paper de l’activiste, de corriger la «moindre approximation financière, technique ou juridique» concernant la société….
Ce nouveau rapport permettra de faire avancer le débat, mais devrait aussi susciter les réactions des fonds activistes. Sont-ils prêts à cette déclaration préalable auprès de leurs cibles ?
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