
La réforme fiscale américaine profite surtout aux rachats d’actions

Les salariés d’AT&T, de Comcast, de Bank of America ou de Wells Fargo bénéficieront dans les prochains jours d’une prime exceptionnelle censée les faire participer aux gains promis par la réforme de la fiscalité américaine. Près de 200.000 salariés de l’opérateur de télécoms recevront ainsi 1.000 dollars chacun. Pourtant, la baisse de 35% à 21% dès le 1er janvier 2018 du taux d’impôt sur les sociétés ou bien encore le plafonnement à 15,5% de la taxe sur les liquidités stockées à l’étranger, aujourd’hui à 35%, devraient avant tout profiter aux actionnaires, principalement par le biais des rachats d’actions, alors que ceux-ci avaient eu tendance à baisser ces derniers mois aux Etats-Unis (-5,3% sur un an glissant au 30 septembre 2017, selon S&P Dow Jones Indices).
Depuis l’avancée au Sénat début décembre de la réforme promise par Donald Trump, les annonces de rachats d’actions se sont multipliées. Boeing a prévu d’augmenter de 20% son dividende ordinaire et va gonfler de 4 milliards de dollars son programme de rachats d’actions pour le porter à 18 milliards de dollars. Le constructeur d’avions a dans le même temps prévu de verser 300 millions de dollars à ses œuvres caritatives... Les sénateurs démocrates ont calculé qu’au cours des deux premières semaines de décembre, entre le vote du Sénat et la réconciliation avec le texte de la Chambre des représentants, les entreprises américaines ont annoncé 70 milliards de dollars de nouveaux rachats d’actions. Et il est probable que ce chiffre continue d’augmenter dans les prochains jours.
Apple, qui dit être le premier contribuable du monde et qui dort sur 252 milliards de dollars de bénéfices amassés en dehors des Etats-Unis, n’a pas chiffré le gain que pourrait lui rapporter la réforme fiscale. Mais l’économie est estimée à 50 milliards de dollars, soit environ une année de cash-flow opérationnel pour le fabricant de l’iPhone. Une somme dont n’a pas réellement besoin Apple et qui pourrait s’ajouter aux 166 milliards de dollars dépensés par le groupe en rachats d’actions depuis 2013.
L’histoire récente permet d’anticiper le plein effet potentiel de la réforme fiscale de Donald Trump. En 2004, le Homeland Investment Act passé par l’administration Bush offrait, pour une année, une taxe sur les bénéfices rapatriés aux Etats-Unis de seulement 5,2%. 312 milliards de dollars de bénéfices logés dans des filiales étrangères avaient ainsi fait leur retour sur le sol américain. Mais une grande partie avait été retournée aux actionnaires. D’une part, sous la forme de dividendes exceptionnels pour un montant de 179,4 milliards de dollars au titre de 2004, selon FactSet, soit 6 fois plus que pour 2003. Et, surtout d’autre part sous forme de rachats d’actions : ils avaient atteint 336 milliards de dollars en 2005, contre 202 milliards en 2004 et 115 milliards en 2003. Dans le même temps, les entreprises du S&P 500 avaient consacré 436 milliards de dollars à leurs investissements en 2005, 51 milliards de plus que l’année précédente et 64 milliards de plus qu’en 2003.
Tangi Le Liboux, stratégiste chez Aurel BGC, et qui pourtant apprécie «la philosophie des rachats d’actions», alertait la semaine dernière sur les dangers potentiels de cette réforme sur l’économie américaine : ces rachats d’actions «sont les premières preuves tangibles que l’accélération de la croissance américaine pourrait être largement chimérique. Il y aura bien des milliards rapatriés (…) mais sans doute pas de quoi compenser le creusement du déficit public». La réforme, «par les déséquilibres qu’elle va générer dans les dix années à venir» pourrait ainsi contribuer selon lui «aux ressorts de la prochaine crise».
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