La fusion TF1-M6 en proie aux réticences de l’Autorité de la concurrence

Le mariage annoncé des deux chaînes françaises est fragilisé après un rapport des services de l’institution présidée par Benoît Cœuré évoquant des problèmes de concurrence significatifs.
Aroun Benhaddou
TF1 et M6, deux  chaînes télévisées gratuites, programme télévision  TV audiovisuel  TNT
TF1 et M6 représentent 70% du marché de la publicité des chaînes télévisées gratuites.  -  RK

Avant d’être remerciée, l’ancienne présidente de l’Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, avait prévenu. « TF1 et M6 représentent 70% du marché de la publicité des chaînes télévisées gratuites, ça parait très compliqué qu’une telle opération puisse être même envisagée », déclarait-elle au cours d’un entretien accordé à France Info en mai 2021. Un an plus tard, les services de l’Autorité de la concurrence, désormais présidée par l’économiste Benoît Cœuré, n’ont visiblement pas changé de discours. Le premier rapport d’instruction mentionne que l’opération soulève des problèmes de concurrence significatifs, en particulier sur le marché de la publicité. Un véritable coup de semonce.

« La nature et l’étendue des remèdes requis dans le rapport d’instruction feraient perdre toute pertinence au projet des parties qui, dans ce cas, l’abandonneraient », a réagi Bouygues, la maison mère de TF1. Le rapport ne préjuge toutefois pas de la décision finale du Collège de l’Autorité, seule à même de pouvoir autoriser ou non une opération. Les deux groupes audiovisuels entendent donc maintenir leur projet tel qu’il a été présenté et prévoient de répondre dans les trois semaines à l’Autorité – les auditions devant le Collège étant prévues les 5 et 6 septembre.

Achoppement sur le calcul des parts de marché

Depuis le début, le point d’achoppement entre les deux groupes et l’Autorité de la concurrence porte sur le calcul des parts de marché dans la publicité. TF1 et M6 prônent en effet un changement de définition de marché pour y englober une partie de la publicité en ligne, largement accaparée par les Gafam. Mais à ce jour, l’institution s’y est toujours opposée et n’a que très rarement accepté des changements de jurisprudence. Des exceptions avaient été accordées dans le cadre du rapprochement entre Darty et la Fnac, en 2016, et lors du rachat de PicWic par Toys’R’Us, il y a trois ans.

Selon une source juridique, le gouvernement – qui avait donné son aval à ce mariage – pourrait potentiellement passer outre la décision de l’Autorité de la concurrence, si son Collège venait à retoquer l’opération. Ce type de situation s’avère cependant extrêmement rare. Le ministre de l’Economie et des Finances avait procédé de la sorte en 2018, lors de la reprise du pôle plats cuisinés du groupe Agripole par Cofigeo. Des motifs d’intérêt général avaient alors été évoqués pour supplanter la priorité du maintien de la concurrence.

Des concessions limitées

Pour s’accorder les faveurs de l’Autorité de la concurrence, TF1 et M6 ont tenté d’arrondir les angles en s’engageant sur plusieurs cessions. TFX (ex-NT1) et 6Ter devraient ainsi théoriquement finir entre les mains d’Altice, si la fusion venait à se matérialiser. En parallèle, la fréquence TNT de Paris Première (Groupe M6) devrait être rendue. Mais de l’avis d’un certain nombre d’observateurs, ces concessions restent limitées. Le dirigeant de M6, Nicolas de Tavernost, s’était exprimé quelques mois plus tôt sur l’absence d’intérêt d’une fusion avec TF1 si le programme de synergies ne pouvait pas être pleinement déployé.

De son côté, TF1 compte sur ce rapprochement pour donner naissance à un mastodonte de l’audiovisuel à l’échelle européenne. D’autant que ses initiatives dans le numérique n’ont pas porté leurs fruits. Il y a cinq ans, la première chaîne du PAF avait racheté Aufeminin près de 380 millions d’euros pour entamer « une étape majeure dans la transformation du groupe. » Des espoirs vains puisque le mois dernier, elle a revendu la plupart des marques de son pôle médias numériques (Aufeminin, Doctissimo, Les Numériques…) à Reworld Media. Le tout pour seulement 60 millions d’euros, selon Capital. Le 21 juillet, TF1 a aussi annoncé être en négociations exclusives avec Future Technology Retail, filiale d’investissement du saoudien BinDawood Holding, pour lui céder 70% d’Ykone. Enfin, elle avait aussi coupé les ponts avec sa régie spécialisée dans la publicité digitale personnalisée Gamned. Celle-ci avait été revendue à la société d’investissement HLD.

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