La famille Bettencourt Meyers se renforce passivement au capital de L’Oréal

Le groupe de cosmétiques rachète pour 8,9 milliards d’euros 4% du capital cédés par Nestlé et annulera ces actions. La famille n’utilisera ses droits de vote additionnels qu’après l’AG 2025.
Bruno de Roulhac
Le groupe de cosmétiques L’Oréal
Le groupe de cosmétiques L’Oréal financera cette opération à la fois par sa trésorerie et par un nouvel endettement.  -  Copyright : Stéphane Lefebvre / L’Oréal Recherche & Innovation

Nestlé va-t-il continuer à se désengager de L’Oréal ? Le groupe suisse vient d’annoncer son intention de céder 22,26 millions d’actions L’Oréal, soit 4% du capital, au prix unitaire de 400 euros, soit une décote de 5,8% sur le cours de mardi. De son côté le conseil d’administration du groupe français de cosmétiques a décidé à l’unanimité de racheter – hors marché – «dans les prochains jours» l’intégralité de ces titres dans le cadre de son programme de rachat d’actions, voté lors de l’assemblée générale d’avril dernier. Programme portant au maximum sur 10% du capital au cours plafond de 400 euros.

Il était donc temps que l’opération se fasse. Le principe était acquis depuis plusieurs mois, confie une source proche du dossier, mais il fallait le temps que le conseil reçoive l’attestation d’équité et que la famille Bettencourt Meyers obtienne la dérogation de l’AMF à déposer une OPA. Et pendant les dernières semaines le parcours boursier a été erratique. Pour ce rachat, L’Oréal devra débourser 8,9 milliards d’euros. Le groupe de cosmétiques financera cette opération à la fois par sa trésorerie et par un nouvel endettement. Contacté par L’Agefi, le groupe s’est refusé à détailler ce financement. Fin juin, L’Oréal disposait de 2,4 milliards d’euros de trésorerie nette. Les actions acquises seront annulées au plus tard le 29 août 2022. Nestlé était conseillé par Credit Suisse et L’Oréal par Centerview.

Une opération gagnante pour les deux parties, même si le marché peut être tenté de la voir comme une prise de profit financière après la performance du cours de l’action L’Oréal, note JPMorgan. L’action a pris 34% depuis le début de l’année, surperformant de huit points le CAC 40, et a doublé en trois ans. Le titre L’Oréal a même touché mercredi en séance un plus haut historique à 433,65 euros. Ce rachat d’actions aura un effet relutif de 4% en année pleine sur le bénéfice net par action, précise L’Oréal. Si cette opération est plus relutive pour L’Oréal que pour Nestlé (+2% selon Jefferies), elle laisse au groupe suisse la possibilité de se déployer pour des fusions-acquisitions ou pour un retour aux actionnaires grâce à la solidité de son bilan, ajoute JPMorgan. Nestlé a annoncé un programme de rachat d’actions de 20 milliards de francs suisses sur 2022-2024, dont la moitié serait réalisée l’an prochain, sous réserve d’acquisitions «importantes».

Nestlé devrait se maintenir à 20% chez L’Oréal

En février 2014, Nestlé avait commencé à s’alléger en cédant à L’Oréal 48,5 millions de titres, soit 8% du capital à l’époque, pour 6,5 milliards d’euros. Il avait alors perdu un siège au conseil, mais en conserve deux aujourd’hui. Cette nouvelle cession est-elle «le début d’une procédure de divorce à l’amiable […], avec une sortie progressive de Nestlé de chez L’Oréal au cours des prochaines années ?», s’interroge Jefferies. En attendant, cette incertitude devrait soutenir les cours des deux titres, «le marché se demandant si cela peut être un premier pas vers une sortie progressive au fil du temps», ajoute JPMorgan. Cependant, en conservant 20,1% du capital, Nestlé peut continuer à consolider les performances de L’Oréal par mise en équivalence, ce qui ne serait plus possible en franchissant le seuil des 20% à la baisse, rappelle un proche du dossier.

A la suite de ces opérations, la participation de Nestlé au capital de L’Oréal tombera de 23,3% à 20,1%, tandis que celle de la famille Bettencourt Meyers passera de 33,3% à 34,7% et autant en droits de vote. Alors que la famille continue à se reluer et détient plus de 30% du capital, seuil de dépôt obligatoire d’une OPA, elle a obtenu de l’AMF une dérogation à lancer une offre. Dérogation à la discrétion du régulateur, qui peut lui-même proposer les remèdes. L’AMF la justifie en l’espèce par le faible quantum de la relution, par la non-participation de la famille Bettencourt Meyers aux travaux du conseil sur cette opération de rachat et d’annulation de titres, et surtout par les engagements de la famille. D’ici la fin de l’assemblée générale 2025, elle s’est engagée à ne pas acquérir d’actions L’Oréal, à ne participer à aucune décision pouvant entraîner une relution passive en capital et en droits de vote, et à ne pas exercer ses droits de vote au-delà de 33,33%.

En outre, conformément à la position-recommandation de l’AMF DOC-2017-04 portant notamment sur le rachat de bloc auprès d’un actionnaire significatif, le conseil d’administration de L’Oréal a nommé le cabinet Ledouble comme expert indépendant. Dans son attestation d’équité, le cabinet a jugé le prix de rachat «équitable pour la société et ses actionnaires».

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