
Gouvernance : que nous rappelle le départ de Carlos Tavares ?

Les trois premiers acteurs de la gouvernance d’une entreprise sont l’assemblée générale des actionnaires, le conseil d’administration, dont elle nomme les membres, et le directeur général que le conseil nomme pour proposer et mettre en œuvre la stratégie.
Les missions du conseil d’administration
Le conseil d’administration, obligatoire pour toute SA, a quatre grandes missions, énoncées dans le rapport Viénot de 1995 et reprises aux Articles L 225-35 sqq. du code de commerce :
1) Choisir le mode de gouvernance et procéder à la nomination du directeur général, révocable à tout moment, et fixer sa rémunération.
2) Déterminer les orientations de l’activité de la société.
3) Veiller à la mise en œuvre de la stratégie.
4) Veiller à la qualité de l’information aux actionnaires et arrêter les comptes, en vue de leur approbation par l’assemblée générale.
Le conseil d’administration joue à ce titre, un rôle croissant dans la gestion des risques.
Le même Article L 225-35 édicte que « sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent ». Il joue notamment un rôle très important de validation préalable en matière d’opérations majeures. Ceci est prévu dans les règlements intérieurs de conseil d’administration que nous voyons. Charge à lui à, son tour, d’en référer à l’assemblée générale selon la nature et les seuils de l’opération envisagée.
Relations entre le conseil d’administration et la direction générale
Dans la vraie vie, il doit y avoir un alignement et un échange, ouvert, constructif et régulier entre le conseil d’administration et la direction générale.
Un excellent article de Timothy J. Rowley et Laurence Capron, publié dans la Harvard Business Review en janvier 2025 , analyse à partir de 400 entretiens avec des administrateurs quatre types d’engagement du conseil : le mode « passif », le mode « mentor », le mode « partenaire » et le mode « contrôle ». Le paysage est loin d'être homogène avec une domination du mode «passif» (46%), devant le mode «contrôle» (19%), suivis des modes «mentor» 14%» et «partenaire» (12%). «Trop souvent, poursuivent-ils, le conseil se cantonne à un seul mode d’engagement ». À l’inverse, disent-ils, le conseil d’administration doit être « agile » et adapter son mode d’engagement selon « les circonstances et le niveau de risque associé à la décision ».
En l’espèce, Stellantis avait publié un avertissement sur résultats le 30 septembre 2024 et changé de directeur financier le 10 octobre, un changement de donne pour le conseil.
Le rôle du comité d’audit
Le conseil est assisté de comités en son sein, dont le comité d’audit qui, parmi ses missions, « assure le suivi des questions relatives à l’élaboration et au contrôle des informations comptables et financières » (Article L 821-67 du Code de commerce).
C’est lui qui examine en détail avec la direction et les CAC les budgets et les comptes préparés par la DG, et donc leur sincérité et, enfin, l’information aux actionnaires. Puis le comité d’audit prépare un rapport au conseil d’administration pour accompagner les documents soumis à décision. Il est tout à fait normal que ce comité pose des questions sur la projection de résultats 2024 et l’accélération éventuelle de certaines recettes à court terme.
Par ailleurs, le comité d’audit de Stellantis est présidé par une administratrice indépendante chevronnée et l’administrateur référent (indépendant) en fait également partie.
Le rôle du comité des nominations
Les deux premiers rôles du comité des nominations sont de définir les profils nécessaires au conseil d’administration et de recommander, d’une part les nominations d’administrateurs, d’autre part, de recommander au conseil la nomination et de préparer la succession du directeur général, y compris en cas de départ soudain.
Russell Reynolds vient justement de publier un rapport établissant un record de plus de 200 (P)DG des plus grandes sociétés cotées ayant quitté leurs fonctions dans le monde en 2024, dont 78% non prévus.
Rappelons-nous la démission avec effet immédiat de Jean-Marc Janaillac de ses fonctions de PDG d’Air France - KLM, le décès brutal du PDG de Total Christophe de Margerie ou, plus récemment, le non-renouvellement du mandat du PDG d’Aéroports de Paris et le départ de son DGD ou le départ quasi immédiat de la PDG de Suez. Le cumul dans ces cas des fonctions de Président et de directeur général rend même l’intérim encore plus compliqué.
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