
Facebook contient la controverse en Bourse

A croire que les actionnaires de Facebook ont l’habitude. Les révélations de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, qui dénonce à visage découvert depuis plusieurs jours les « dégâts » du réseau social sur les enfants et ses dangers pour la démocratie, n’ont pas amélioré l’image de marque du groupe de Mark Zuckerberg, déjà bien dégradée. Mais elles n’ont pas encore vraiment ébranlé sa valeur.
Depuis la sortie des premiers articles du Wall Street Journal sur les « Facebook Files » mi-septembre, le cours de l’action Facebook a certes cédé 11%. C’est plus que les replis de 3% d’Alphabet et de 2% du S&P 500 sur le même laps de temps. Mais il est difficile d’attribuer cette baisse aux seules accusations de Frances Haugen. Dans le même temps, Facebook a aussi subi une panne de près de sept heures en début de semaine qui lui a fait perdre quelques dizaines de millions de dollars de revenus publicitaires.
Le réseau social commence aussi à sentir les effets de la fonctionnalité d’« anti-pistage » (App Tracking Transparency, ATT) proposée par Apple dans la dernière version de son système d’exploitation (iOS) pour iPhone. Sur le blog de Facebook destiné aux annonceurs publicitaires, Graham Mudd, le dirigeant de la division product marketing du groupe, a reconnu le 22 septembre « s’attendre à un renforcement des vents contraires dus aux changements de plateforme, notamment les récentes mises à jour d’iOS ». Un message qui a inquiété alors que Facebook publiera ses résultats du troisième trimestre le 25 octobre.
Pression et décote permanentes
Malgré cette correction, le cours de l’action Facebook gagne encore 25% sur l’année. Et aucun analyste financier n’a prétexté l’affaire des « Facebook Files » pour changer de recommandation. 80% des courtiers qui suivent la valeur ont toujours une recommandation positive. Un soutien qui permet de compenser la pression des vendeurs à découvert sur Facebook, cinquième valeur la plus «shortée» du marché américain selon S3 Partners.
A environ 20 fois la prévision de bénéfice estimé pour 2022, Facebook se traite à un niveau proche de celui du S&P 500 et 5 points de moins qu’Alphabet. Mais cette décote colle à la peau du réseau social depuis plusieurs trimestres déjà, du fait notamment de la pression réglementaire et de la menace d’un procès de la Federal Trade Commission. L’autorité américaine de la concurrence a relancé cet été ses poursuites contre le groupe qu’elle accuse d’abus de position dominante.
« Nous reconnaissons que les rapports négatifs créent un risque pour Facebook et qu’il est difficile de dire quand cette publicité néfaste s’estompera. Mais le groupe a réussi à traverser de multiples climats hostiles dans le passé », soulignent les analystes de JPMorgan en réaction aux révélations de Frances Haugen. Le scandale Cambridge Analytica lors des élections américaines de 2016 ou le boycott l’an dernier de grands annonceurs pendant un mois pour protester contre le laxisme du réseau social envers les propos violents n’ont pas eu d’effet repoussoir. Le 7 septembre dernier, l’action Facebook était à son plus haut historique.
Trois milliards d’utilisateurs
« Nous restons convaincus que si la croissance, l’engagement et la monétisation des utilisateurs de l’entreprise peuvent quelque peu s’affaiblir, avec près de 3 milliards d’utilisateurs actifs par mois dans le monde, un renversement de la dynamique d’utilisation de ses plates-formes reste peu probable », relativisent les analystes de Morningstar. Et même si un durcissement des règles d’utilisation de Facebook ou de sa filiale Instagram « réduirait probablement la croissance et l’engagement des utilisateurs, rendant l’audience d’Instagram moins attrayante pour les annonceurs, (…) cela pourrait également être partiellement compensé, car certaines grandes marques pourraient commencer à considérer Instagram et Facebook comme plus sûrs ».
Dans un message publié sur Facebook, Mark Zuckerberg a défendu son entreprise et son modèle, jugeant « complètement illogique l’argument selon lequel nous mettons délibérément en avant du contenu qui rend les gens en colère, pour des profits. Nous faisons de l’argent avec les publicités, et les annonceurs nous disent sans arrêt qu’ils ne veulent pas leurs publicités au côté de contenus nuisibles ou véhéments. Et je ne connais aucune compagnie technologique qui se fixe de développer des produits rendant les gens en colère ou déprimés ».
Habitué aux controverses, Facebook pourrait toutefois renforcer ses procédures pour montrer qu’il prend les choses au sérieux. « Il est possible que Facebook continue de modifier ses algorithmes pour améliorer la plateforme, comme elle l’a fait il y a quelques années en se tournant davantage vers les amis et la famille », avance JPMorgan.
Face à cette nouvelle crise, Facebook a reporté ces derniers jours le déploiement de nouveaux produits, révélait ce jeudi le Wall Street Journal. Plus d’une dizaine de personnes ont été chargées de mener des études de réputation, afin de déterminer quelles critiques pourraient être émises à l’encontre du groupe et de s’assurer que ses produits n’ont pas d’effet négatif sur les enfants.
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