
Eric Meyer : « La crise du Covid-19 est plus grave et plus profonde que celle de 2008 »

L’Agefi : Le confinement, qui a démarré le 16 mars, a mis un coup d’arrêt à la plupart des projets de fusions-acquisitions. Qu’en est-il un mois plus tard ?
Eric Meyer : Le contexte actuel a fragilisé l’ensemble des processus, mais nos équipes continuent de travailler activement sur certains dossiers. Nous accompagnons notamment un de nos clients dans la cession d’un actif important et devons adapter notre dispositif, par exemple en organisant des visites virtuelles de site par drone. Cependant, la grande majorité des sujets sont à l’arrêt, en raison de la difficulté d’accès au financement et de l’absence d’acheteurs et de vendeurs. Mais cela évolue progressivement. Lors des premières semaines de confinement, la plupart des acteurs, après un moment de sidération, ont été dans une phase de stupeur et dans l’obligation de prendre des mesures immédiates pour répondre aux différentes problématiques émanant de leur portefeuille. Aujourd’hui, les réflexions et les échanges reprennent petit à petit, même si rien de concret ne devrait aboutir avant la rentrée.
Les cédants commencent-ils à infléchir leurs exigences ?
A l’exception des secteurs les plus sinistrés, nous n’en sommes pas encore là. La plupart des vendeurs préfèrent attendre, plutôt que de céder leur entreprise dans des conditions dégradées. Les valorisations élevées du marché sont encore dans toutes les têtes et il va donc falloir du temps pour que l’offre recroise à nouveau la demande. Nous ne sommes en effet pas dans une courbe en V avec la promesse d’un rebond fort et rapide après le 11 mai. L’ordonnée de cette courbe risque d’être beaucoup plus basse qu’avant. Mais à terme, on peut effectivement s’attendre à voir des situations compliquées où les cédants se retrouveront dans l’obligation de passer le relais.
La profondeur de cette crise est-elle comparable avec celle de 2008-2009 ?
2008 a été un énorme choc pour le système financier mondial et l’ensemble du marché avait été abasourdi. La situation aujourd’hui est cependant assez différente. Si aucun choc de liquidité n’est à déplorer au sein des établissements bancaires, la crise est pourtant plus grave et plus profonde que la précédente. Beaucoup d’acteurs du marché semblent ne pas encore avoir pris la mesure de l’événement. Sommes-nous en mesure de prédire le niveau de consommation d’après-crise ? Les business models et les supply chains seront-elles en mesure de s’adapter au monde de demain ? Nous n’en savons rien, mais les réponses à ces questions sont susceptibles de bouleverser les performances futures des entreprises.
Le paysage de la profession va-t-il être amené à évoluer ?
Dans le métier du conseil, une multitude de boutiques M&A ont fait leur apparition ces dernières années, non sans succès. Mais cette place encore relativement marginale est aujourd’hui fragilisée par l’effondrement des volumes de transactions. En cela, l’adage «Nobody got fired for buying IBM» s’applique assez bien au marché du M&A, et met en exergue la préférence des clients pour les plus grosses structures vis-à-vis des plus modestes en période de crise. La baisse du nombre d’opérations va donc entraîner une concurrence accrue, mais aussi ‘challenger’ les acteurs bancaires de taille intermédiaire dans leur capacité à se rendre attractifs pour attirer les meilleurs talents du marché. A l’avenir, nous pouvons néanmoins anticiper un regain d’activité sur des sujets aussi variés que les situations spéciales et l’activisme.
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