
EDF s’effondre en Bourse

En gelant les factures d'électricité des Français, l’Etat torpille son entreprise EDF. Le cours de l’action du producteur d'électricité s’effondre ce vendredi matin au lendemain de l’annonce par le ministre de l’Economie et la ministre de Transition écologique du bouclier tarifaire pour 2022. Il a perdu jusqu'à 24,5%. L’action a fini en repli de 14,6% à 8,84 euros. L’Etat détient un peu plus de 83% du capital d’EDF.
Le gouvernement demande à EDF de vendre davantage d'électricité nucléaire à bas prix à ses concurrents. Pour ce faire, il a décidé d’augmenter de 100 à 120 térawatts-heure (TWh) les volumes d'électricité qu’EDF doit céder à ses concurrents dans le cadre du dispositif Arenh, l’accès régulé à l'électricité nucléaire historique. Celui-ci assure un prix d’achat préférentiel aux producteurs alternatifs, afin de leur éviter de devoir payer des prix très élevés sur les marchés de gros et de le refacturer ensuite à leurs clients. Et ce afin que «l’ensemble des consommateurs bénéficie de la compétitivité du parc électronucléaire français. Ces volumes seront accessibles à tous les consommateurs, particuliers, collectivités comme professionnels», ont déclaré les ministères de l’Economie et de la Transition écologique dans un communiqué.
Augmentation de capital prévisible
« Les conséquences financières pour EDF ne peuvent pas être déterminées de façon précise à ce stade », a indiqué le groupe jeudi soir. « A titre illustratif, dans l’état actuel des informations dont le groupe dispose, l’impact de ces mesures sur l’Ebitda 2022 est estimé à environ 8,4 milliards d’euros sur la base des prix de marché au 31 décembre 2021 et à environ 7,7 milliards sur la base des prix de marché au 12 janvier 2022 », calcule l'électricien. Cet impact représente 43% à 47% de l’Ebitda attendu pour 2021 (17,7 milliards d’euros).
JPMorgan estime que l’Ebitda d’EDF pourrait finalement s'établir entre 7 milliards et 12 milliards d’euros cette année, alors que les analystes l’attendaient autour de 20 milliards d’euros avant ces annonces selon les données compilées par FactSet. Oddo BHF l’attend désormais à 10 milliards d’euros et a décidé d’abaisser sa recommandation sur la valeur de «surperformance» à «neutre», tout en réduisant son objectif de cours de 13,50 à 11 euros.
Il est probable qu’EDF ait besoin d’une importante augmentation de capital cette année, prévient JPMorgan Cazenove. Les récentes déclarations de Barbara Pompili, selon lesquelles le gouvernement « sera aux côtés d’EDF pour l’aider à surmonter cette difficulté », appuient la thèse d’une prochaine levée de fonds, ajoute JPMorgan Cazenove.
« EDF va examiner les mesures appropriées pour renforcer sa structure bilancielle et toute mesure de nature à protéger ses intérêts », indique le groupe dans son communiqué. Il promet d’en dire plus au moment de la publication de ses résultats annuels 2021 et retire dans l’attente « sa guidance 2022 endettement financier net / Ebitda ». Le groupe visait jusqu'à hier soir un ratio inférieur à 2,8 fois.
Difficultés opérationnelles
L’augmentation du plafond de l’Arenh s’ajoute à la mesure déjà promise par le Premier ministre Jean Castex de limiter à 4% la hausse du tarif régulé de l’électricité (TRV) pour l’ensemble de l’année 2022, grâce à la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), autrefois appelée Contribution au service public de l’électricité (CSPE).
Ces décisions gouvernementales tombent au moment où EDF doit gérer le nouveau surcoût du chantier de l’EPR de Flamanville ainsi que la fermeture de plusieurs centrales nucléaires qui ampute sa capacité de production d'électricité.
EDF a annoncé jeudi soir la prolongation de l’arrêt des réacteurs de Civaux 1, Civaux 2, Chooz 1, Chooz 2 et Penly 1 en raison de défauts à proximité de soudures des tuyauteries du circuit d’injection de sécurité (RIS). « L'élaboration du programme de contrôles sur l’ensemble du parc nucléaire se poursuit en intégrant, au fur et à mesure, les enseignements tirés des premières expertises réalisées », a souligné l'électricien. Le groupe procède actuellement à une relecture de tous les contrôles effectués sur son parc de centrales nucléaires afin de déterminer si le problème de corrosion détecté ou soupçonné sur ces cinq réacteurs peut concerner d’autres équipements, a rapporté vendredi l’agence Reuters, citant un porte-parole de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Selon un porte-parole de l’ASN cité par Reuters, les vérifications engagées par EDF pourraient conduire à des arrêts de réacteurs anticipés ou pas encore prévus dans le calendrier.
« Le prolongement des arrêts nucléaires va coûter très cher également », préviennent les analystes d’Oddo BHF. Pour UBS, ce coût représente une diminution de valorisation de 2,10 euros par action EDF, sur la base de rachats d'électricité à 450 euros par mégawattheure (MWH). « Cet impact pourrait être plus élevé si davantage de réacteurs sont mis à l’arrêt », avertissent les analystes de la banque suisse.
Plus d'articles du même thème
-
Le gaz naturel sera au centre des négociations sur les droits de douane
Les tarifs commerciaux pourraient être conditionnés aux contrats sur le GNL américain si les pays européens et asiatiques souhaitent en faire un levier de négociation avec les Etats-Unis. La volatilité va rester la règle pendant quelques mois. Au-delà, une croissance de l’offre supérieure à la demande devrait progressivement faire baisser les prix. -
Le fonds norvégien mise 1,4 milliard d’euros sur l’éolien en Mer du Nord
L’investisseur souverain fait affaire avec l’énergéticien RWE pour prendre une participation de 49% dans deux projets en construction. -
Les pétroliers privilégient leurs actionnaires au risque de sacrifier l’avenir
En Europe, les géants de l’or noir réduisent leurs investissements, notamment dans la transition énergétique, pendant que leurs pairs américains continuent à se focaliser uniquement sur l’exploitation d’hydrocarbures.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions