
Comme TotalEnergies, les entreprises organisent une retraite de Russie à la carte

Sortir de Russie n’est pas chose aisée. Plusieurs entreprises françaises ont levé mercredi le voile sur la manière dont elles mettront en œuvre leur désengagement du pays frappé par les sanctions occidentales. L’annonce la plus forte revient à TotalEnergies, qui a annoncé, dans la soirée, une provision de 4,1 milliards de dollars (3,9 milliards d’euros) dans ses comptes au 31 mars. Cette charge concerne principalement le projet de gaz naturel liquéfié (GNL) Arctic LNG 2.
«Le 8 avril dernier, de nouvelles sanctions ont effectivement été adoptées par les autorités européennes, interdisant notamment l’exportation depuis le territoire de l’Union européenne de biens et technologies destinés à la liquéfaction du gaz naturel au profit d’une société russe. Il apparaît que ces nouvelles interdictions font peser des risques supplémentaires sur la capacité d’exécution du projet Arctic LNG 2», a expliqué le groupe dans un communiqué.
Schneider, Renault et Atos ont eux aussi communiqué sur leur retraite de Russie, selon des modalités qui les distinguent. Les différences constatées reflètent à la fois les particularités propres à leur secteur d’activité et l’importance relative de leur présence dans ce pays. Après avoir suspendu tout nouvel investissement et toute livraison de commandes de projets en Russie et en Biélorussie depuis le début du conflit avec l’Ukraine, Schneider Electric a annoncé avoir signé une lettre d’intention en vue de céder ses activités russes à l’équipe de direction locale.
Cet accord, qui demeure soumis à l’aval de Moscou, entraînera une dépréciation d’actifs allant jusqu’à 300 millions d’euros en valeur nette comptable. Ainsi qu’une reprise - sans incidence sur sa trésorerie - de la réserve de conversion de devises associée à ces activités, pour un montant actuellement évalué à 120 millions d’euros.L’équipementier électrique, qui réalise environ 2% de son chiffre d’affaires sur le marché russe, «prévoit un transfert ordonné de ses opérations et allouera des ressources pour accompagner ses 3.500 employés en Russie et Biélorussie tout au long du processus».
Une croissance résiliente pour Schneider
Mentionnant «un contexte d’approvisionnement sous tension», le PDG Jean-Pascal Tricoire juge que le conflit russo-ukrainien et la recrudescence des cas de Covid-19 en Chine auront un impact négatif sur les performances du groupe durant le trimestre en cours. Il maintient toutefois ses prévisions pour l’ensemble de l’exercice 2022. Pour les analystes de RBC Capital Markets, «la société devrait continuer à surclasser ses pairs grâce au caractère résilient de son profil de croissance».
Les conséquences d’une sortie de Russie seront bien plus lourdes pour Renault car ce pays représentait jusqu’à présent son deuxième marché le plus important derrière la France. A fin décembre 2021, l’ensemble de ses activités russes était valorisé 2,2 milliards d’euros, un montant que le groupe prévoit de déprécier dans ses comptes du premier semestre 2022, après avoir suspendu la production de son usine moscovite. Confirmant les informations fournies la veille par l’agence Interfax, le ministère russe de l’industrie et du commerce a indiqué mercredi que le constructeur automobile français s’apprêtait à céder pour un rouble symbolique sa participation de 68% dans son homologue russe Avtovaz à l’institut public de recherche automobile NAMI. Ce qui déboucherait sur une nationalisation de fait de la société.
Une option de rachat évoquée pour Renault
L’accord inclurait toutefois une option de rachat de cette participation, valable pour une période de cinq ou six ans, ce qui traduirait la volonté de Renault de ne pas quitter le marché russe de manière irrémédiable. Par ailleurs, la propriété de son usine de Moscou (Avtoframos) devrait être transférée aux autorités municipales de la capitale russe. A l’instar de Renault, le gouvernement français, qui détient une participation de 15% dans le groupe automobile, s’est abstenu de commenter ce projet de transaction.
Pour Atos, les effets de son retrait progressif du marché russe se feront davantage sentir sur la gestion de ses effectifs. A partir de ce pays dans lequel il a réalisé 0,4% de son chiffre d’affaires l’an dernier, il fournissait en effet jusqu’à présent des services numériques essentiels à certains de ses clients internationaux. Il a donc décidé de transférer ces services vers d’autres destinations, notamment l’Inde et la Turquie. «La mise en œuvre de ce retrait a nécessité une importante planification s’agissant des conséquences pour l’activité du groupe et pour ses employés» en Russie, explique Atos dans le communiqué de présentation de son chiffre d’affaires trimestriel.
Le groupe, qui a confirmé ses objectifs annuels, a engrangé 2 milliards d’euros de commandes au premier trimestre 2022. Ce montant fait ressortir un ratio de prises de commandes sur chiffre d’affaires de 72%, contre un niveau de 96% pour la même période de 2021. Selon Gregory Ramirez, analyste chez Bryan Garnier, «la faiblesse des prises de commandes reflète davantage un effet de saisonnalité et une transition vers des contrats à durée plus courte qu’une nouvelle dégradation par rapport à l’an dernier». Atos présentera le 14 juin aux investisseurs son plan stratégique destiné à lui permettre de renouer durablement avec la croissance.
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